Escale Lapérouse : le cabinet d'architectes retenu

Le Conseil municipal de la Ville d’Albi se prononcera le lundi 23 septembre prochain sur l’attribution du contrat de maîtrise d’œuvre pour la création d’un nouvel équipement culturel porté par la Ville, dédié au navigateur Lapérouse et à son expédition. Il sera proposé au Conseil municipal d'approuver le choix du groupement ayant pour mandataire l’atelier Projectiles, à la fois cabinet d’architectes et de scénographes.
Illustration 3D du projet Escale Lapérouse

Source : © Projectiles/Air studio

On se rappelle, il y a douze ans, le choix de la Ville d’Albi de confier à Dominique Perrault la construction du Grand Théâtre. Dans sa volonté de développer le quartier culturel des Cordeliers avec des architectures contemporaines, la Ville vient de s'engager dans un nouveau projet qui marquera la décennie.

Après l'examen de 59 candidatures déposées dans le cadre du concours relatif à la création de l'Escale Lapérouse, quatre équipes de maîtrise d’œuvre avaient été retenues pour une nouvelle étape de sélection à l'issue de laquelle deux candidats restaient en lice. C'est le groupement ayant pour mandataire l’atelier Projectiles basé à Paris qui a remporté le concours pour réaliser son projet à l'emplacement de l'ancienne trésorerie acquise par la Ville en 2022, avenue de Gaulle.

Les grandes lignes qui seront présentées lors du conseil municipal du 23 septembre 2024 s'inscrivent parfaitement dans le programme établi par la Ville. « Ce projet va contribuer à la fois à mettre encore davantage à l'honneur une des figures marquantes de l'histoire d'Albi, mais aussi à participer à l'attractivité et au rayonnement de notre ville », souligne le maire Stéphanie Guiraud-Chaumeil. « Escale Lapérouse va donner une nouvelle place au navigateur dans un lieu qui répondra pleinement aux attentes. Nous aurons le plaisir de redécouvrir cette expédition et de nous laisser embarquer dans ce voyage avec pour entrée la maison bourgeoise, patrimoine remarquable bien connu des Albigeois. »

Un nouveau bâtiment pour abriter le parcours de visite

A quoi ressemblera l'Escale Lapérouse ? Le cabinet d'architectes, qui a déjà livré quelques images de synthèse, mais surtout des plans détaillés, prévoit de conserver et de réhabiliter la maison bourgeoise dans laquelle seront aménagés au rez-de-chaussée l'entrée du public, mais aussi une boutique et un salon de thé. Ces différents espaces ouverts sur la ville contribueront pleinement à l’animation du lieu. Dans les étages, la maison abritera des bureaux et l'institut de recherche.

Le second bâtiment, construit dans les années soixante, ne sera pas conservé. A la place, le cabinet Projectiles propose d'y construire le "coeur" de l'Escale Lapérouse, soit un espace de visite conçu sur le principe d'un archipel avec quatre grands modules reliés les uns aux autres. Le bâtiment, très bien intégré au quartier culturel des Cordeliers, se veut plutôt sobre de l'extérieur, mais reprend à l'intérieur l'idée d'une faille.L’espace de distribution qui relie entre les « îlots » de l’archipel est dénommé ainsi en référence au site archéologique, où a été retrouvé le navire de la Boussole

« Je salue le trait de crayon de l’atelier Projectiles en matière d’articulation des espaces et de déambulation », a indiqué le maire d’Albi, présidente du jury de sélection, séduite par la proposition du cabinet. « On peut désormais se projeter sur ce que sera l’Escale Lapérouse, même si, comme à l’image d’un voyage, un tel projet nécessite du temps de préparation. Lorsque nous arriverons à bon port, je suis certaine que nous serons heureux de découvrir ce nouvel espace. »

Une expérience de visite

Reste en effet maintenant à définir le contenu du parcours permanent de visite. D'une surface de 550 m2 environ, il retracera le contexte de l’expédition, les préparatifs du voyage, les escales emblématiques jusqu'au naufrage à Vanikoro (îles Salomon) puis le destin des survivants. Il évoquera notamment les recherches organisées très tôt pour trouver des traces de l’expédition et les campagnes de fouilles successives menées à Vanikoro dans le Pacifique sud du XIXe à nos jours, pour percer « le mystère Lapérouse ».

Devant le bâtiment, un « jardin des explorateurs » rendra hommage aux disparus de l’expédition. La scénographie permettra aux visiteurs de vivre au plus près cette grande aventure maritime à travers un parcours ponctué de pièces de collection et de dispositifs divers de médiation (textes, maquettes, multimédias, etc.) comme on en trouve, par exemple, dans le nouveau musée de la Marine de Paris, un des partenaires engagés dans le projet.

Pour compléter l'équipement, on trouvera dans les étages inférieurs du bâtiment un auditorium et une salle d'exposition temporaire qui permettront de programmer diverses animations et événements autour de Lapérouse. Autant de lieux pour vivre une belle aventure sur les traces du navigateur albigeois.

Illustration 3D du projet Escale Lapérouse
Illustration 3D du projet Escale Lapérouse. Source : Projectiles/Air studio
Les prochaines étapes

En octobre, le marché de maîtrise d’œuvre sera notifié, permettant de démarrage des études préalables et un travail d’ajustement de l’esquisse initiale avant la finalisation du projet définitif. Les travaux devraient débuter à la fin de l'année prochaine. En parallèle, il s'agira de définir le contenu du parcours de visite que ce soit en termes de textes, de pièces à présenter et de dispositifs de médiation. 

Le cabinet d'architectes

Projectiles est un atelier d’architecture cofondé en 2005 par trois associés et amis : Reza Azard, Hervé Bouttet, et Daniel Mészáros. Ce cabinet a été récemment lauréat du concours pour la construction du nouveau musée de la préhistoire de Carnac. On lui doit également le Musée du débarquement d'Arromanches-les-bains, mais aussi la restructuration du château de Villers-Cotterêts qui abrite abrite la prestigieuse Cité internationale de la langue français et pour laquelle l’atelier Projectiles a été en charge de tous les aménagements intérieurs ainsi que de la scénographie du parcours permanent.

Architectes du projet Escale Lapérouse
De gauche à droite : les architectes de l'atelier Projectiles Hervé Bouttet, Reza Azard et Daniel Meszaros.

 

Interview de Daniel Meszaros, architecte et cogérant du cabinet Projectiles

Comment avez-vous appréhendé ce nouveau projet ?

« Avec enthousiasme, d'autant que nous avons ici la possibilité de travailler à la fois sur l'architecture et sur la scénographie. La thématique de "l'Escale Lapérouse - Des mondes à explorer" est réellement passionnante et inspirante. Nous avons aussi été sensibles à cette ancienne maison bourgeoise qui est un bâtiment avec de belles proportions et une façade remarquable. Elle marque à sa manière le quartier culturel. Il nous a semblé indispensable d'en faire l'entrée du musée. L'extension contemporaine ne devait dès lors pas l"écraser" par ses dimensions. Les deux bâtiments ne seront d'ailleurs pas accolés l'un à l'autre, mais connectés par un passage souterrain. »

En quoi l’expédition Lapérouse vous a-t-elle inspiré dans votre réflexion ?

« Nous avons développé la notion de l'archipel pour concevoir l'extension, qui sera composée de quatre volumes. Ils abriteront le parcours de visite et ouvriront sur un jardin des explorateurs. L'histoire de Lapérouse est marquée par l'idée de voyages, d'expédition, d'îles et de mer. L'architecture conditionnera le visiteur en participant d'une certaine manière à son immersion dans l'univers du navigateur ; elle retraduira ces différents thèmes comme on le verra avec la faille qui rappelle l'endroit où a coulé l'un des bateaux de l'expédition. Cet espace assurera la liaison entre les deux bâtiments et les différents espaces de visite. »

Quelle attention portez-vous dans ce projet à la dimension environnementale ?

« Tout d'abord, il ne nous a pas semblé pertinent de conserver le bâtiment moderne car cela aurait engendré de lourdes modifications structurelles et au final des surcoûts. Nous définirons malgré tout ce qu'il est possible de conserver, l'objectif étant de réduire l'empreinte environnementale du chantier. Cette dimension sera pleinement intégrée au projet. La végétalisation des toitures, l'isolation thermique par l'extérieur, l'utilisation de certains matériaux, le recours à la géothermie, mais aussi la réduction des consommations énergétiques sont déjà actées. »

Votre cabinet d'architecture a-t-il une marque de fabrique ?

« Pas particulièrement. Nous aimons l'éclectisme. Dans des projets muséographiques comme celui d'Albi, nous préférons nous laisser guider par un site, une thématique, une collection, même si les contraintes techniques relatives aux conditions d'exposition d'objets anciens, par exemple, conditionnent certains choix architecturaux. Ce projet mobilise, par ailleurs, toute une équipe. Celle-ci était composée jusqu'à présent d'une douzaine de personnes sans compter les partenaires engagés avec nous dans le projet. Les effectifs vont être amenés à augmenter avec le lancement du projet. Nous allons désormais débuter les études de conception. Nous avons aujourd'hui hâte de débuter ce projet. »

Questions à Denis Grandjean, membre du jury de sélection

Questions à Denis Grandjean, membre du jury de sélection, ancien directeur de l’École d’architecture de Nancy, membre de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture au titre de l’association des Biens français du Patrimoine mondial, membre de la Commission régionale du patrimoine et des sites de la région Grand Est, ancien adjoint au maire délégué à l’urbanisme et au patrimoine.

Quels sont les points forts du cabinet d’architecte Projectiles qui ont retenu l’attention du jury ?

« Le projet présente plusieurs atouts. Son architecture, sobre, sans extravagance, s’intègre bien dans le quartier culturel, tout en tenant compte du dénivelé important à l’arrière du site. La modestie des façades contraste avec la configuration des espaces à l’intérieur, où le visiteur sera plongé dans une atmosphère faite de mystère, de voyage et d’aventure, favorisée notamment par la dimension immersive de la scénographie... La fonctionnalité des espaces permettra, par ailleurs, une certaine modularité et une adaptabilité afin de répondre entre autres aux attentes des visiteurs qui évolueront naturellement au fil du temps. C’est important de se projeter aussi à long terme. Je note enfin que les échanges entre le jury et le cabinet d’architectes ont été constructifs. »

En quoi ce projet répondait-il au programme de la Ville d’Albi ?

« L’expédition Lapérouse est passionnante à plus d’un titre. Ce projet s’inscrit de fait très bien dans l’esprit de cette grande histoire, qui méritait d’être davantage mise en valeur. Lapérouse est une personnalité albigeoise dont le rayonnement dépasse les frontières du pays. À l’échelle de la ville, le projet va apporter un surcroît d’attractivité à l’avenue de Gaulle. Il a été véritablement pensé dans un ensemble architectural qui comprend notamment le Grand Théâtre de Dominique Perrault et la médiathèque. Conserver l’ancienne maison bourgeoise en lui rendant toute sa noblesse est en cela pertinent. Une architecture ne se réduit pas à un équipement ; elle est aussi une pièce urbaine. »