Fanny Girard, nouvelle directrice du musée Toulouse-Lautrec
Fanny Girard
© Tchiz
Nouvelle conservatrice du patrimoine et directrice du musée Toulouse-Lautrec depuis le 3 octobre, Fanny Girard souhaite renouveler le regard que porte le visiteur sur la collection exceptionnelle abritée au Palais de la Berbie.
Originaire de Paris, fraîchement diplômée, Fanny Girard vient de poser ses valises à Albi suite à sa nomination au musée Toulouse-Lautrec comme directrice et conservatrice du patrimoine. La jeune femme connaissait déjà Albi pour l'avoir visitée en 2019 dans le cadre d'un séminaire. « J'en avais profité pour découvrir la ville et le Palais de la Berbie. » En vue des entretiens de recrutement, elle avoue être revenue « incognito » au musée. « La visite était évidemment assez différente de la première ! Aujourd'hui, j'arrive avec de l'enthousiasme, des envies et des idées que je serai heureuse de partager avec l'équipe du musée. Nous avons des projets à imaginer ensemble. J'ai hâte aussi de découvrir cette belle région. »
Les musées ont toujours été un peu ses résidences secondaires. Elle a ainsi passé beaucoup de temps devant des œuvres, que ce soit avec ses parents, mais aussi durant ses études et ses stages. Elle a visité notamment à plusieurs reprises le musée d'Orsay et profité des expositions au Grand Palais pour assouvir sa curiosité avec une préférence pour la peinture et le dessin, qu'elle pratique d'ailleurs aussi à ses heures perdues. Fanny goûte très tôt au plaisir de jouer avec les couleurs, les formes et les pinceaux. Un loisir qu'elle apprécie autant que la broderie, la lecture, les randos et la « préparation de bons petits plats ».
Sensibilisée très tôt à l'art, Fanny Girard s'intéresse dès ses années lycée à la restauration de tableaux et s'initie à la pratique lors d'un stage dans un atelier.
« J'aime le contact direct avec l'œuvre à restaurer. Il est important aussi de bien connaître son histoire, le travail de l'artiste et le contexte dans lequel il l'a réalisée.»
Après le bac, elle se lance assez logiquement dans une licence à l'École du Louvre avec spécialité histoire de la peinture française. En 2016, elle poursuit par un master de muséologie sans perdre de vue la restauration des œuvres. Elle enchaîne d'ailleurs l'année suivante avec un autre master touchant à l'histoire de la restauration, un sujet peu étudié et qui la passionne toujours aujourd'hui. Elle fait en effet actuellement partie d'un groupe de recherche interdisciplinaire porté par l'université de Paris-Nanterre, qui étudie les changements de couleurs des objets patrimoniaux au cours du temps.
Des expériences au contact des oeuvres
Durant sa formation, Fanny continue à travailler un jour par semaine dans un atelier de restauration tout en intervenant au Louvre comme médiatrice. « J'ai beaucoup appris sur le terrain. J'étais à bonne école », reconnaît-elle. L'idée de travailler comme conservatrice s'est peu à peu précisée. En
2018, elle décide de préparer le concours. « Ces deux années m'ont permis de faire plusieurs stages à travers la France. » Elle enseigne aussi comme chargée de travaux dirigés dans des salles de musées, où elle présente des œuvres. Elle poursuit aussi ses recherches en histoire de la restauration en donnant des conférences et en publiant des articles. En 2020, elle réussit le concours. Il lui reste alors encore dix-huit mois de formation à l'Institut national du patrimoine et à l'Institut national des études territoriales avant de chercher un poste...
La nouvelle directrice du musée Toulouse-Lautrec s’appuie aujourd'hui à la fois sur ses expériences en musée et dans le milieu du patrimoine (notamment un stage au Service des travaux et des bâtiments français à Rome).
Spécialisée en Monuments historiques et Inventaire, elle souhaite d'ailleurs donner une meilleure lisibilité au palais de la Berbie, écrin pour les collections. « L'idée n'est pas de révolutionner le mTL, mais de réfléchir à la manière d'attirer le public. Je connais bien ce qui se fait aujourd'hui dans les musées ; j'ai vu beaucoup de propositions intéressantes qui fonctionnent... ou pas. » Fanny souligne à ce propos combien la formation de conservateur insiste sur la médiation culturelle.
Le visiteur acteur du musée
La nouvelle conservatrice est bien consciente que le musée Toulouse-Lautrec s'adresse à deux publics distincts : l'Albigeois, d'abord, qu'il s'agit de fidéliser à travers des actions de proximité, la présentation d'œuvres qui ne soient pas toujours les mêmes ou encore des dispositifs destinés aux familles... « Je me souviens, par exemple, au musée d'art et d'industrie La Piscine à Roubaix, d’une malle à jeux proposée aux enfants avec des activités faisant écho aux œuvres exposées », raconte-t-elle. « Je trouve vraiment intéressant que le visiteur soit pleinement acteur de sa visite et plus impliqué dans son musée. » Fanny Girard n'exclut pas d’ailleurs des collaborations avec les établissements scolaires, des associations locales pour faire émerger de nouveaux projets. « Les musées sont davantage ancrés dans leur territoire et s'inscrivent dans un réseau avec d'autres musées et partenaires. »
Il y a ensuite le touriste qui vient à Albi pour voir une collection exceptionnelle au cœur d'un monument qui l'est tout autant. « Là, il s'agit peut-être d'accompagner davantage le visiteur dans sa découverte des collections. Je pense à des cartels expliquant l'œuvre, le contexte, son histoire, mais aussi présentant les personnages que l'artiste a peints. »
Et Toulouse-Lautrec alors ? Fanny le classe évidemment parmi les incontournables. « C'est un artiste que j'aime beaucoup pour sa manière de peindre, notamment sur des cartons dont le fond n'est pas peint. Il y a une touche d'inachevé qui permet de mieux percevoir son travail. J'ai une préférence pour ses œuvres autour de la danse qui dégagent une véritable énergie, un mouvement. L'œuvre de Toulouse- Lautrec s'inscrit bien dans son époque, l'artiste ayant travaillé sur des supports émergents comme les affiches et la publicité, et sur des thématiques de son temps : les cabarets, le spectacle, le cirque... ».
Si Fanny Girard souhaite d'abord prendre ses repères au cœur du Palais de la Berbie, et appréhender le musée dans sa globalité, elle compte bien, à moyen terme, ouvrir davantage le musée à d'autres arts - pourquoi pas la photo, le cinéma, la musique, etc. Des expositions temporaires s’y prêteraient bien.
« Ce serait l'occasion de présenter des œuvres de manière différente, dans un contexte plus large qui ne se limiterait pas aux beaux-arts. Je pense que cela enrichirait la découverte des œuvres de Toulouse-Lautrec qui ont été réalisées au moment de l’essor de la photo et du cinéma. L’artiste a traité tellement de sujets qu'il y a matière ! »
De quoi avoir un regard renouvelé sur les collections.
Albi :
Une ville belle et chaleureuse, à l’image de la couleur de ses briques !Toulouse-Lautrec :
Un peintre passionnant pour son style, pour ses choix originaux de supports, de couleurs et de composition, et pour son regard sur la société de son époque. En peignant les lieux et les personnalités qu’il fréquente, il nous donne un aperçu de l’ambiance festive de Montmartre à la fin du XIXe siècle.Une oeuvre :
La Loïe Fuller aux Folies-Bergère d’Henri de Toulouse-Lautrec (1893, Albi, Musée Toulouse-Lautrec). Une grande vivacité des traits, un fond à peine brossé et une force de suggestion incroyable : l’artiste parvient à rendre le mouvement sur un support en 2D en seulement quelques coups de pinceaux !
■ AM254 - OCTOBRE 2022
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