Rencontre : Marie Lopez, une châtelaine atypique

Début avril, Marie Lopez et René Roy ouvriront leurs chambres d’hôtes au château du Gô qu’ils ont entièrement rénové avec goût et passion. Un rêve raconté par Marie Lopez, au coeur de ce lieu chargé d’histoire où Lapérouse a vécu son enfance.
Rencontre : Marie Lopez, une châtelaine atypique

Comment en êtes-vous arrivés à l’achat du château du Gô ?

Il y a trois ans, en venant à Albi où vivait toujours ma mère, nous apprenons que le château du Gô est à vendre. Nous connaissions les lieux pour nous y promener régulièrement, ma maison familiale étant située dans le quartier des peintres. René et moi, on s’est dit : pourquoi pas une chambre d’hôtes ici, d’autant qu’Albi est touristiquement attractive ?
Finalement, la vente a été suspendue et nous avons cherché ailleurs. C’est au moment où nous nous apprêtions à signer l’acte d’achat d’un bien sur l’île de Ré que le château du Gô a été remis en vente… C’était moins une !

Quel regard portez-vous sur ce lieu ?

Le bâtiment a été construit en trois périodes ; la plus ancienne partie date du XVIe siècle. Ce château est unique et riche en histoire puisque Lapérouse y a vécu enfant. Quand nous l’avons visité la première fois, nous avons eu un petit frisson à l’idée de marcher dans les traces du célèbre navigateur. La chambre occupée autrefois par Lapérouse a été conservée et rénovée dans l’esprit des voyages au long cours.

Un coup de coeur pour le château donc ?

C’était un peu un rêve ; c’est aussi et d’abord un projet de couple. Mais ce rêve a un prix et a nécessité un investissement important pour rénover autant l’intérieur que l’extérieur. Nous avons retroussé nos manches et nous nous sommes engagés dans cette grande aventure sans compter les heures. René est très bricoleur et a plusieurs cordes à son arc.

Comment avez-vous vécu cette aventure ?

Devant l’ampleur de la tâche et même si des entreprises ont été aussi mobilisées, il y a eu des périodes de doute et de découragement, notamment suite à des retards dans le chantier. Nous avons cependant réussi à aller de l’avant ; nous étions dans une dynamique stimulante. Nous n’avons pas baissé les bras et sommes allés au bout de ce que nous avons entrepris. Nos enfants ont dit que nous étions fous… puis nous ont félicités en découvrant le résultat. Je crois que mon père aurait été fier.
 

 Que reste-t-il à faire ?

Le chantier a duré deux ans et il y a encore des travaux d’aménagement extérieurs à finir. Il y a encore l’allée à terminer, par exemple. On ne manque pas sinon d’idées ! Nous voudrions également planter un verger, installer une piscine pour les hôtes ainsi que restaurer le nymphée qui se trouve au pieddu château.

De quoi s’agit-il ?

Ce bassin d’eau est plein de mystère et a même intrigué des membres de la Fondation du patrimoine. Il semble alimenté par une source dont nous ignorons l’origine. Nous avons fait aussi appel à des plongeurs pour explorer les caves voûtées remplies d’eau. Au cours des travaux, nous avons aussi découvert une fenêtre qui avait été bouchée et restons convaincus qu’il existe peut-être un escalier ou un couloir caché dans la cave…

De quelle manière avez-vous mis votre touche personnelle dans le château ?

En matière de décoration, nous avons pensé à des chambres thématiques. La première s’appelle Lapérouse, la deuxième Éléonore, du nom de sa femme. La troisième, baptisée Amazone, est un clin d’oeil au cheval qui figure sur les armoiries des Galaup de Lapérouse, mais aussi au nom du bateau que le navigateur a commandé pendant la guerre d’indépendance des États-Unis. J’ai beaucoup chiné et j’ai aménagé le château au gré de mes découvertes avec un style épuré et moderne.

Qui ont été vos premiers visiteurs ?

Nous avons déjà accueilli le directeur du Musée de la Marine de Paris ainsi que le réalisateur Yves Bourgeois à qui l’on doit le reportage sur Lapérouse. Ils nous ont passionnés par leurs connaissances sur l’expédition. L’équipe qui a restauré la statue Lapérouse a pour sa part eu le privilège de loger au château. Nous serons heureux d’accueillir prochainement d’autres ambassadeurs d’Albi la Cité épiscopale lors d’un café organisé par la Ville d’Albi.

Quels liens entretenez-vous avec la ville d’Albi ?

Mes parents étaient originaires d’Espagne et se sont installés dans le Tarn à la fin des années cinquante. Ils avaient tout quitté pour donner un avenir à leur enfant. Nous avons d’abord vécu chez mon oncle à Gaillac avant de venir à Albi, où mon père avait trouvé du travail comme maçon. Les premières années ont été difficiles pour moi. Notre départ d’Espagne a été douloureux. Je ne parlais pas français et l’apprentissage de la langue a été long.

Quels souvenirs avez-vous de votre enfance ?

J’ai passé beaucoup de temps avec ma grand-mère qui nous avait accompagnés en France. En été, je repartais avec elle en Espagne en train à vapeur. Plus tard, je me souviens des voyages en 4L avec mes parents ! C’était l’expédition… En CM2, la directrice de l’école du Castelviel m’a prise en charge et m’a redonné confiance en moi. Je lui suis reconnaissante car cette année a changé ma vie. J’ai gardé longtemps le contact avec elle et c’est à travers ses cartes postales de Chamonix qu’elle m’envoyait que j’ai découvert les Alpes.

Que souhaitiez-vous devenir plus tard ?

J’ai toujours aimé le sport ; j’étais d’ailleurs souvent première en saut en hauteur ! J’ai donc voulu
devenir professeur d’éducation physique. Mon père, assez autoritaire, en a décidé autrement. Il souhaitait que je fasse des études. J’ai gardé cette passion pour le sport et j’ai pratiqué plus tard la voile, l’équitation et le golf.

Quel métier avez-vous exercé avant de vous lancer dans les chambres d’hôtes ?

Après le bac, j’ai suivi des études de français et d’espagnol à Toulouse dans le but de devenir enseignant. Je me suis orientée comme éducatrice spécialisée et j’ai commencé à travailler en 1976 dans un centre d’éducation spécialisée pour déficients auditifs à Toulouse. J’y enseignais le français, l’espagnol et les sciences et vie de la terre. Les classes étaient à petits effectifs et il fallait en permanence réfléchir à des méthodes pédagogiques adaptées.

Comment s’est opéré le retour à Albi ?

À la retraite, il y a dix ans, j’ai eu envie de montagne et nous sommes partis à Bagnères de Luchon. Nous avons acheté un chalet où nous avons aménagé en 2016 deux chambres d’hôtes. Cette activité nous intéressait. Il y a quelques années, nous avions décidé de partir ailleurs, sur l’île de Ré ou dans les Alpes, jusqu’à c e que le château du Gô soit mis en vente… Nous avons interprété cela comme un signe… Le château nous attendait !