Serge Fabrega, l'homme qui courait avec sa chaise de bureau

Serge Fabrega
Nom
Fabrega
Prénom
Serge

Entrepreneur albigeois spécialisé dans la rénovation de maisons anciennes auxquelles il redonne vie au cœur de la Cité épiscopale, Serge Fabrega a gardé son âme d'artiste. L'homme ne manque pas de projets dont certains sont des plus insolites.

C'est au numéro 2 de la rue Grand Côte que Serge Fabrega a donné rendez-vous. Tel un agent immobilier, l'homme propose d’abord une visite des lieux. Lunettes design sur le nez, on sent l'entrepreneur dynamique, un homme de convictions, qui aime relever des défis et sait bien s'entourer pour y parvenir. La maison répartie sur plusieurs étages avec vue plongeante sur le Tarn et La Madeleine est encore en plein chantier, mais dans quelques mois, l'immeuble accueillera de chanceux locataires. "Je suis heureux de redonner vie à ces maisons en les adaptant aux normes d'aujourd'hui. C'est ma manière de contribuer au retour des Albigeois en centre-ville, y compris des familles". Fier de sa ville d'adoption, Serge défend aussi l'artisanat local et privilégie certains fournisseurs pour la qualité des matières. Cette attention lui a valu déjà à deux reprises le Prix patrimoine de la Ville d'Albi, qui est remis chaque année lors des Journées du patrimoine. "Je vois d'abord dans cette distinction une belle reconnaissance du travail des artisans. Nous avons aussi toujours essayé de conserver des éléments intérieurs anciens comme des cheminées, des portes ou des parquets."

À Albi, Serge Fabrega n'en est pas à son premier coup d'essai. "Mon père s'était lancé il y a plus de trente ans dans la construction de maisons contemporaines et me sollicitait souvent pour l'aider. Il profitait notamment de mes connaissances en dessin industriel pour établir des plans pour les permis de construire. J'ai beaucoup appris à ses côtés, du carrelage à la peinture, de l'électricité à la plomberie. Je revendique comme lui, le fait d'être un expert en rien, mais un généraliste en tout !" Pendant longtemps, Serge s'est tourné davantage vers la construction, avant de s'engager dans la rénovation de bâtiments existants, convaincu et inspiré par sa femme qui lui a fait aimer le charme de l'ancien. "Moi qui n'étais pas féru d'histoire, j'ai découvert à travers ces chantiers le patrimoine exceptionnel d'Albi." Et de se souvenir de ces quelques pièces d'argent découvertes par hasard sous une fenêtre lors d'un chantier.

Arrivé à Albi à l'âge de huit ans, Serge se sent pleinement albigeois, tout en ne reniant pas ses origines familiales imprégnées de la culture andalouse. Ses parents ont beaucoup déménagé, son père travaillant dans le BTP. Dans les années 80, ils ont eu le coup de cœur pour la région et se sont installés à Albi rue Nego Danos. "Mon père avait été recruté par les mines de Carmaux car il avait le permis de tir pour la mise en place d'explosifs dans les galeries". Le jeune garçon passe son enfance à Albi, d'abord élève à l'école Pasteur, puis au collège Balzac et au lycée Rascol. "J'aurais aimé étudier l'architecture, mais je n'étais pas très assidu en classe", reconnaît-il. "J'étais plutôt le clown de service !" Le bac en poche, il s'oriente vers un BTS force de vente puis travaille quelques années pour une agence immobilière avant de reprendre avec détermination, à 27 ans, des études à Sup de Co Toulouse. "J'avais notamment dans l'idée de développer l'entreprise familiale ou d'intégrer une grande entreprise". Finalement, il entre à la Banque populaire où il travaillera près de vingt ans comme conseiller professionnel. En parallèle, il suit les traces de son père en se lançant à son tour dans des projets de rénovation. Depuis, les chantiers s'enchaînent dans le centre historique d'Albi.

À l'entrée de l'immeuble en travaux, un fauteuil de bureau défraîchi attire l'attention. Serge, président du Lions club Albi Isatis, explique l'avoir utilisé récemment... sur la piste du circuit. "Je voulais le tester en vue d'une course de fauteuils. Au Japon, ce genre de course est très populaire." L'idée loufoque d'en organiser une à Albi a fait son chemin pour recueillir des fonds en faveur d'associations solidaires tournées vers l'enfance. Les autres membres du Club ont bien accueilli le projet et la première édition se déroulera le 8 juin au circuit. Un bon moyen de créer un événement fédérateur, ludique et favorisant la cohésion. "Un conseil : mieux vaut reculer pour aller vite", confirme-t-il après l'essai.

"J'ai toujours aimé dessiner. Au collège déjà je m'amusais à caricaturer mes profs et mes camarades".

Épicurien assumé, Serge se reconnaît parfois philosophe à l'aube de la cinquantaine. "Il est urgent de vivre", lance-t-il comme un leitmotiv. S'il se consacre pleinement à son travail, sa famille et ses projets, -le bon équilibre selon lui- il ne boude pas le plaisir de retrouver ses amis, de voyager et de pratiquer quelques sports, toujours partant pour une course albigeoise, par exemple. Par manque de temps, il le regrette, il peint moins. Sa carrière artistique était pourtant prometteuse. Au collège déjà, il prenait un malin plaisir à caricaturer ses profs et ses camarades. "J'ai toujours aimé dessiner. Mon intérêt pour l'architecture, le dessin industriel au lycée, ma passion pour réaliser des plans me sont d'ailleurs toujours utiles dans la rénovation des maisons." Après une soirée entre amis, qui s'était finie en atelier peinture, Serge se lance dans la réalisation de toiles d'abord abstraites puis intégrant du figuratif dans un esprit street art. Il n'hésite pas à utiliser pour cela le matériel de chantier qu'il a entre les mains. Le résultat séduit et il participe à des salons et des expositions, vend même des œuvres à l'étranger. À l'écouter, Serge n'a pas rangé complètement ses pinceaux. On pourrait bien le revoir un jour... Si vous le voyez, dites-le lui.

Une rencontre

"On se nourrit de toutes les rencontres et surtout de toutes les différences... À n'en choisir qu'une : ma femme, qui m'a donné une vision différente sur l'engagement social et l'immobilier ancien."

Un lieu

"Le centre historique dans son ensemble, avec des lieux chargés d'histoire dont hériteront les générations futures."

Un objet

"Un crayon/stylo/feutre ; tout ce qui me permet de laisser une trace sur un support. J'ai besoin de griffonner, dessiner, écrire, calculer, faire des notes, des plans... Sans cela, je me sentirais nu !"