La série « Un dimanche avec Lapérouse »
Page Facebook de la Ville d'Albi
Saison 1
-
Ép. 1 - Lapérouse : les origines d’un nom issu de la noblesse
-
Connaissez-vous les origines du nom du célèbre explorateur albigeois ?
Jean-François de Galaup de Lapérouse est l'aîné des dix enfants issus du mariage de Victor-Joseph de Galaup (1709-1784) et Marguerite de Rességuier (1717-1788), les descendants de vieilles familles nobles originaires du Tarn et de l’Aveyron. Fortement implanté dans le Tarn, Jean-François de Galaup de Lapérouse porte jusque dans son blason - un cheval au “galop”, forcément ! - la fougue qui le mènera à parcourir le monde !
Jean-François est né à Albi le 23 août 1741 au château du Gô, dans la périphérie d’Albi, où la famille de Galaup était déjà très bien ancrée localement à cette époque.
La famille de Galaup a construit sa richesse autour de la culture et la commercialisation du pastel. Cette aisance a permis aux Galaup d’obtenir dès 1558 leurs premiers titres de noblesse. Ils vont alors être investis comme Seigneurs de Brens (proche de Gaillac) et d’Orban (situé entre Albi et Graulhet). Ces titres leurs permettent également d’occuper des postes juridiques et administratifs importants, jusqu’à pouvoir devenir Consuls de la Ville d’Albi.
La famille de l’explorateur possède aussi plusieurs terres comme le Château du Gô, lieu où est donc né Jean-François de Galaup et qui se situe au nord-est d’Albi, au bord du Tarn, sur la plaine du Gô. La seconde propriété emblématique des Galaup est la ferme « la Peyrouse » (de l’occitan Peirrosa, terre pierreuse) qui se situe sur la commune de Puygouzon. Cette ferme fut offerte à l’explorateur afin de lui procurer une rente annuelle, obligatoire pour son entrée à l’École des gardes de Marine de Brest, et dont il adoptera le nom. Il devint alors Jean-François de Galaup de Lapérouse, et très vite ne signa plus que par « Lapérouse ».
La mère du navigateur, Marguerite de Rességuier, descend, elle aussi, de la noblesse. Les Rességuier sont originaires de l’Aveyron ; une partie de la famille est restée dans le Rouergue, tandis que d’autres membres se sont localisés à Toulouse. On compte parmi les Rességuier des consuls de Rodez mais aussi un maire de Toulouse, ou encore des conseillers et Présidents du parlement de la ville rose.
-
Ép. 2 - Dans la famille Lapérouse : le père, Victor-Joseph de Galaup
-
Jean-François de Galaup de Lapérouse est le fils de Victor-Joseph de Galaup et de Marguerite de Rességuier.
Son père, Victor-Joseph de Galaup, est né le 19 mars 1709 à Albi. Il est né, tout comme Melle de Galaup, de l’union entre Jean-Antoine de Galaup et Claire de Metgé. Le grand-père de notre navigateur Lapérouse, Jean-Antoine, est né en 1677 à Albi. Devenu veuf, il entra dans les ordres et devint prêtre ; il mourut chanoine de l’église collégiale Saint-Salvi d’Albi. Son épouse Claire, née en 1679, est quant à elle fille de seigneur de Labruguière, écuyer, capitaine de cavalerie.
Victor-Joseph de Galaup exerça en premier lieu la profession d’écuyer. Plus tard, son statut de noble, obtenu en 1558 par la famille de Galaup grâce à leur richesse accumulée avec le commerce du pastel, lui permet d’être élu député aux États particuliers de l’Albigeois. Il faisait donc partie de l’assemblée des États, qui se réunissait pour prendre des décisions sur toute la province de l’Albigeois où étaient représentés les trois ordres de l'Ancien Régime : le Tiers-état, le Clergé et les Nobles.
Par la suite, Victor-Joseph fut élu Premier consul de la Ville d’Albi. Il s’occupait alors, durant cette période, de toutes les affaires courantes de la Ville et veillait à sa bonne gestion. Plus tard, il fut capitoul (magistrats siégeant au conseil municipal après avoir été élu par quartier) à Toulouse ou encore jurat (magistrat ayant prêté serment) à Bordeaux.
Victor-Joseph de Galaup s’est marié à Marguerite de Rességuier, de huit ans sa cadette, le 27 septembre 1740. De leur union naquirent dix enfants dont seulement trois atteindront l’âge adulte : Jean-François, l’aîné, né en 1741, Jacquette-Martianne née en 1742, et Victoire, la benjamine, née en 1759, dix-huit ans après Jean-François.
Le tableau présenté est issu de la Collection association Lapérouse, Albi France. Présent au musée Lapérouse d’Albi.
-
Ép. 3 - Qui est la mère de Lapérouse, Marguerite de Rességuier ?
-
La mère de Jean-François de Galaup de Lapérouse est issue d’une famille de puissants nobles, établis sur le territoire aveyronnais. Marguerite de Rességuier est baptisée le jour de sa naissance, le 30 avril 1717, à Sauveterre-de-Rouergue dans l’Aveyron. Fille de Jean-Jacques de Rességuier, né en 1662, ancien commandant du second bataillon du régiment de Condé et seigneur du Pouget et de Françoise de Moly, née en 1676 à Sauveterre-de-Rouergue. De leur union en 1707 sont nés quatre enfants, dont Marguerite, la benjamine.
La famille des Rességuier, originaire de Rodez, s’est divisée en deux branches dont l’une est restée dans le Rouergue et l’autre s’est établie à Toulouse. Il s'agissait d’une famille de taille importante qui a su garder pendant très longtemps ses titres de noblesse. Cette famille était influente en occupant des postes politiques majeurs à Rodez comme à Toulouse. Certains siégeront au Parlement ou au Capitoulat de Toulouse - l’un fut même maire de Toulouse en 1823 ! - certains remplirent aussi les fonctions de sénéchal (officier du roi) du Rouergue ou consuls de Rodez, tandis que d’autres occupaient des fonctions religieuses comme chanoines, archidiacres ou encore des curés. Cette influence est visible dans la toponymie de la ville de Toulouse : un hôtel particulier à proximité du Capitole porte encore le nom Caulet-Rességuier et une rue “Jules de Rességuier” longe le jardin royal à proximité du Grand Rond.
Marguerite de Rességuier s’est mariée à Victor-Joseph de Galaup, de huit ans son aîné, le 27 septembre 1740 à Sauveterre-de-Rouergue, puis s’est installée avec lui en terres albigeoises dans le château du Gô. De leur union naquirent dix enfants dont seulement trois atteindront l’âge adulte : Jean-François, l’aîné, né en 1741, Jacquette-Martianne née en 1742 et Victoire, la benjamine, née en 1759, dix-huit ans après Jean-François. Marguerite meurt à Albi le 14 juin 1788, année de la disparition de son illustre fils à Vanikoro (îles Salomon).
-
Ép. 4 - Le mariage des parents de Lapérouse
-
C’est le 27 septembre 1740 que se marient les parents de Jean-François, en l’église du village de Sauveterre-de-Rouergue. Le village, fondé en 1281 et voisin de Naucelle, se trouve dans l’Aveyron, à une dizaine de kilomètres de la limite du Tarn.
Victor-Joseph de Galaup (1709-1784) et Marguerite de Rességuier (1717-1788) ont alors respectivement 31 et 23 ans. Cette union conduit de fait Marguerite de Rességuier à venir vivre en terre albigeoise, notamment au château du Gô, pour le reste de sa vie.
Notons que ce mariage, alliance de deux anciennes familles nobles, s’est conclu avant la “majorité matrimoniale” de la future mariée, fixée depuis l’ordonnance royale de Blois de 1579 à 25 ans pour les filles (et 30 ans pour les garçons). Dans ce cas, il fallait donc l’accord des parents. Mais au regard des origines familiales des mariés, on peut supposer que cette union repose sur un mariage arrangé entre les deux familles, dans l’objectif de conforter les origines nobles des deux familles et leur patrimoine, mais aussi afin d’avoir mutuellement un nouvel allié régional.
Pendant l'Ancien Régime, le mariage précédait quasiment systématiquement la naissance d'un enfant, et concernait environ 90% de la population, au milieu du XVIIIe siècle. En effet, sous l'ancien régime, la France est une monarchie absolue de droit divin dans laquelle le Monarque est devenu roi par la volonté de Dieu et le mariage constitue l'un des sept sacrements qui, selon les catholiques, permet de participer à la vie divine. Ce n’est qu’avec la Révolution française que le mariage, jusque-là prérogative exclusive de l'Église, devient civil (précisément le 3 septembre 1791).
Moins de 11 mois après cette union naît Jean-François, le 23 août 1741, qui sera suivi de 9 autres enfants.
-
Ép. 5 - Une famille nombreuse
-
Suite à leur union en 1740, les parents de Jean-François de Galaup de Lapérouse (1741-1788) ont donné naissance à dix enfants entre 1941 et 1959. Jean-François est l'aîné et le plus célèbre de la fratrie, à la fois pour son destin de grand navigateur et explorateur français, ainsi que pour sa tragique disparition à l’âge de 46 ans à Vanikoro. La cadette est Jacquette de Galaup (1742-1824). Elle se marie avec un membre de la famille Dalmas du Rouergue et sera nommée prieure de l’église de la Confrérie des Pénitents-noirs en 1815 et 1824. Les Galaup ont ensuite eu huit autres enfants, dont six n’ont pas survécu jusqu’à l'âge adulte. L’espérance de vie de la fratrie est donc de moins de 23 ans en moyenne. La dernière sœur de la fratrie, Victoire de Galaup (1759-1818), est 18 ans plus jeune que son illustre aîné. Elle se marie avec Bernard Louis de Barthès, qui fut avocat à Albi, et n’a que 26 ans lorsque son frère embarque pour l’expédition qui lui sera fatale.
Sur une fratrie de 10 enfants, seuls deux d’entre eux ont eu à leur tour des enfants. Jacquette a eu 5 enfants (4 garçons et 1 fille) et Victoire 6 enfants (4 garçons et 2 filles). Jean-François de Lapérouse a donc eu onze neveux et nièces, mais n’en a connu que 6, puisque 5 des enfants de sa sœur benjamine sont nés après le départ de sa dernière expédition ou après sa mort.
-
Ép. 6 - Le cousin Jacques-Pierre de Taffanel de La Jonquière
-
acques-Pierre de Taffanel de La Jonquière est né le 18 avril 1685 au château de Lasgraïsses, à proximité d’Albi. Ce « grand-cousin » par arrière-grand-mère de Lapérouse, est issu d’une famille de notaires du Tarn qui habitait entre Lasgraïsses et Graulhet. Jacques-Pierre de Taffanel de La Jonquière a fait carrière dans la Marine. Elle commence lorsqu’il a à peine 12 ans, au moment de son entrée, le 1er septembre 1697, aux Gardes de la Marine de Toulon. Il effectue sa première mission l’année suivante, à Constantinople. En 1712, il embarque sur le brûlot l’Éclair, où il sera commandé par Claude de Forbin (1656-1733).
Lors de cette mission, il se distingue notamment par le commandement d’une chaloupe puis par celui d’un bateau méditerranéen. En 1703, il est promu Enseigne de vaisseau (ce qui correspond au grade de lieutenant). En quelques années, il accomplit de nombreuses missions sur le bassin méditerranéen, que ce soit à Barcelone ou Alicante, où il est fait prisonnier et emmené en Angleterre, avant d’être rapidement échangé. Il va ensuite aux Pays-Bas et même jusqu’au Svalbard, dans l’Arctique, au nord de la Norvège. En 1711, de La Jonquière est nommé Lieutenant sur l’Achille. Il participe, durant la guerre de Succession d’Espagne, à la prise de Rio de Janeiro sous les ordres de René Duguay-Trouin (1673-1736).
En 1713, La Jonquière commande le vaisseau Baron de la Fauche avec lequel il passe en Louisiane. Il poursuit sa mission en Amérique par une longue campagne sur la côte ouest de l’Amérique espagnole. Ses nombreux exploits lui permettent d’être nommé Lieutenant de vaisseau en 1720. Après quelques années de service à terre, à Brest, il reprend la navigation, notamment à destination des Antilles. Il est nommé Capitaine de Vaisseau en 1731. Il escorte des navires vers le Canada et croise notamment au nord de l’Afrique. Puis, alors que les tensions avec les Anglais se renforcent, il participe à plusieurs campagnes, notamment sous les ordres du marquis d’Antin (1740) puis de Court de La Bruyère (1744). La Nouvelle-France - à savoir les territoires coloniaux français d'Amérique du nord entre 1534 à 1763 - occupe une place particulière dans la fin de carrière de Jacques-Pierre.
Sa prise de fonction est épique, puisqu’il doit dans un premier temps revenir en France après avoir participé, en chemin vers le Canada, à la campagne de La Rochefoucauld. Puis, lors de sa seconde traversée, il subit une attaque des Anglais, le 14 mai 1747, qui le font prisonnier jusqu’au traité de paix d’Aix-la-Chapelle du 18 octobre 1748. Ce n’est donc que le 15 août 1749 que le nouveau Gouverneur prend enfin ses fonctions. La Jonquière est jugé comme un bon administrateur de la Nouvelle-France, mais trop hésitant envers les Anglais et les Indiens, dans une période de difficultés politiques et économiques. Pour récompenser ses services, Louis XV l’a fait Marquis et Grand-Croix de Saint-Louis. Il a fondé la ville de JONQUIÈRE au Québec.
Il est toujours honoré par des monuments dans les villes du Québec et de France où un grand nombre de rues et places portent le nom LA JONQUIÈRE. Il meurt en fonction au Canada, après quelques mois de maladie, le 17 mars 1752. Au final, sa carrière maritime compte pas moins de 29 campagnes et 9 combats. Il lègue ses biens à Clément Taffanel (1706-1795), son cousin, qui deviendra Lieutenant-Général des armées navales en 1780. C’est avec ce parent, dont on peut penser qu’il a influencé Jean-François, avec ses récits de marin, que Lapérouse, durant ses études à Brest, embarque plusieurs fois.
Saison 2
-
Ép. 1 - La naissance et l’enfance de Lapérouse
-
Saviez-vous que la naissance de Lapérouse a été périlleuse ?
Jean-François de Galaup est né le 23 août 1741 au Château du Gô. Apparaissant très fragile à la naissance, il est ondoyé le jour même par crainte d’un décès imminent. Il est finalement baptisé 42 jours après, le 3 octobre, en l’église Saint-Julien d’Albi.
L’explorateur albigeois Jean-Francois de Galaup, Comte de Lapérouse, est né le 23 août 1741 au château du Gô, grande résidence située à environ 3 km au Nord-Est de la Cité épiscopale d’Albi, dans un méandre du Tarn. Cette naissance fut plutôt délicate : le comte de Lapérouse semblait si fragile à la naissance que l'archevêque d’Albi pris la décision d’autoriser une cérémonie d’ondoiement, réalisée uniquement si le risque de décès paraît imminent.
Elle a lieu dès le 23 au sein de la résidence familiale. Finalement, le nouveau-né résiste à la mort et est baptisé 42 jours après, le 3 octobre, au sein de l’église Saint-Julien. De nos jours, cette église n’existe plus. Elle prenait place le long de l’actuelle rue Saint-Julien reliant la Place Sainte Cécile et la Rue Mariès et fut détruite à la fin du XIXe siècle pour construire à son emplacement le Marché couvert d’Albi.
Lors du baptême, Monseigneur Jean-Antoine de Galaup et Françoise de Moly, respectivement grand-père paternel et grand-mère maternelle, sont nommés parrain et marraine de Jean-François de Galaup. La jeunesse du jeune Jean-François se déroule sans encombre au sein de la noblesse albigeoise. Il suit sa scolarité au sein du collège des jésuites d’Albi. Ce moment de sa vie correspond également à la période où le jeune albigeois construit sa vocation pour la navigation.
Cette passion lui vient d’une part, des grandes découvertes de l’époque réalisées par Bougainville et Cook, mais aussi et surtout de son cousin Taffanel de la Jonquière qui lui racontait ses aventures maritimes.
-
Ép. 2 - Les lieux de la famille : le château du Gô
-
Savez-vous qu’il est possible de se rendre sur les traces de Lapérouse en terre albigeoise ?
Pendant son enfance, Jean-François de Galaup a grandi dans une propriété dans laquelle ses parents se sont installés peu de temps après leur mariage : le château du Gô. Cette belle bâtisse, située dans un méandre du Tarn, appelé “la boucle du Gô”, dans la périphérie de la commune d’Albi, a donc été le lieu de vie de son enfance. Le hameau du Gô apparaît dans l’histoire dès le XIVe siècle. Gô, parfois orthographié Guo ou Gau, viendrait du nom « Gué », qui en langue occitane se dit « ga ou gua » en référence à un passage à gué sur le Tarn.
Avant l’achat de la famille de Galaup, ce domaine fut la propriété de l’évêque d’Albi (Peytavin de Montesquiou), puis légué à d'autres évêques tels que Louis Ier d'Amboise et Louis II d'Amboise. Lors des guerres de religion entre catholiques et protestants, une partie du château est fortifiée, dont il ne reste aujourd’hui qu’un escalier en bois. À l’origine, ce domaine était une simple métairie à vocation essentiellement agricole. Elle devient la propriété de la famille du navigateur en 1613 avec l’achat du domaine par Claude de Galaup, quadrisaïeul de Lapérouse (son arrière-arrière-arrière-grand-père si vous suivez !). Dès lors, la bâtisse est aménagée en château pour servir de résidence secondaire à la famille de Galaup.
Jean-François hérite du château du Gô, qui reviendra ensuite à ses sœurs après sa disparition. Les héritiers du comte de Lapérouse sont longtemps restés propriétaires du domaine, avant que celui-ci soit vendu, puis rénové. Classé au titre des monuments historiques depuis 1984, le château du Gô est construit en briques dans un style renaissance selon un plan en U. Il est constitué de plusieurs ailes. Certains éléments d’origine du château ont été conservés avec par exemple le plafond à la française ou encore la cheminée. Le domaine présente également une nymphée, dont l’origine reste inconnue. Récemment converti en chambres d’hôtes, il est maintenant possible de dormir dans la chambre où Jean-François de Galaup, futur explorateur, est né.
-
Ép. 3 - Les lieux de la famille : la Maison de Lapérouse
-
Savez-vous où se trouve la demeure de Lapérouse, dans Albi ?
En 1780, alors âgé de 39 ans, Jean-François de Galaup de Lapérouse acquiert une maison au 12 rue de l’école de Mage, devenue aujourd’hui la rue Henri de Toulouse-Lautrec.
La demeure dont Lapérouse fait l’acquisition est l’ancienne école de Mage. Cette dernière est ensuite devenue le collège Jésuite, déménageant dans le bâtiment où se trouve l’actuel Lycée Lapérouse, sur les Lices Pompidou, à proximité du Pont neuf. Le bâtiment de l’ancienne école de Mage est cédé au XVIIe siècle en trois lots : • Le premier lot appartient à ce qu’est aujourd'hui l'Hôtel Decazes, situé au 10 rue Henri de Toulouse-Lautrec. Dans un premier temps, l'Hôtel est racheté par Joseph-Léonard Decazes, ancien préfet du Tarn. C’est aujourd’hui, et depuis 1989, la Maison de l’Amitié. • Le deuxième lot correspond à l’actuel Hôtel Toulouse-Lautrec, qui se situe au numéro 14. Ce bâtiment est la maison natale du célèbre peintre albigeois. • Enfin le troisième lot, situé au numéro 12, entre l'Hôtel Decazes et l'Hôtel Toulouse-Lautrec, est celui qui, au XVIIIe siècle, est devenu la résidence principale de Lapérouse.
Si Jean-Francois de Galaup de Lapérouse achète cette demeure, c’est notamment pour son amour de toujours, Eleonore broudou, qui deviendra sa femme le 17 juin 1783. Elle reste la majeure partie du temps seule à Albi, pendant que le navigateur albigeois est à Brest ou en mer. Il s’agit d’une grande demeure qui se répartit sur trois niveaux et qui dispose également d’une cour intérieure. Aujourd’hui, la demeure de l’explorateur ese repère grâce à une plaque fixée au mur et sur laquelle est inscrit “Ici vécut Jean-Francois Galaup De La Pérouse, 1741-1788, Navigateur chef d’escadre, Né au Gô, Disparu à Vanikoro”
-
Ép. 4 - Les lieux de la famille : la ferme de La Peyrouse
-
Saviez-vous que cette ferme a permis à Lapérouse de devenir explorateur ?
Jean-François de Galaup est bien plus connu sous le nom de Lapérouse. Savez-vous que ce nom provient d’une ferme, « La Peyrouse », située à Puygouzon ? Celle-ci lui a été offerte par son père afin que l’adolescent accomplisse son rêve.
Voisine d’Albi, la commune de Puygouzon abrite un domaine ayant appartenu à la famille du navigateur, et au navigateur lui-même. La ferme de La Peyrouse fut essentielle pour la vie et le destin de Jean-François de Galaup.
Le jeune Jean-François de Galaup avait comme objectif absolu d’entrer à l’École des Gardes de la Marine de Brest, afin de devenir marin. Lors de son entrée en 1756 dans cette école, alors âgé de quinze ans, il commence à compléter son nom de famille de la mention « La Peyrouse ». Il s’agit du nom d’une ferme qui est située à environ sept kilomètres au Sud-Est d’Albi, le long de la route de Fauch, au pied des coteaux de Rantelle. Elle lui a été donnée par son père pour compléter les revenus nécessaires pour suivre sa scolarité maritime, en partie payante à cette époque, qui nécessitait de justifier d’un revenu annuel de 400 livres minimum, soit l’équivalent d’un peu plus de 7000 € actuels. Dans les faits, cette ferme est gérée sous forme d’une métairie.
Bien que la référence à une terre qui vous appartient était fréquente chez les nobles, l’appellation du marin s’est orientée assez rapidement dans deux directions, l’une étant l’abstraction de plus en plus fréquente dans la signature de son patronyme, et l’autre une francisation de l’orthographe avec l’abandon du « y » caractéristique d’une prononciation à l’occitane. L’abandon du nom « Galaup » a été constaté assez tôt dans les registres de la marine. Alors qu’il est nommé enseigne de vaisseau (1764), puis gouverneur à l’île de France (île Maurice) en 1772, les documents officiels parlent de « M. de La Pérouse », commandant la flûte « la Seine ». Lui-même modifie assez rapidement sa signature « de Galaup de Lapérouse » pour « de La Pérouse », puis « Lapérouse » en un seul mot. Le navigateur signait les documents en liant les deux parties de son nom, comme le voulait l’usage.
Plusieurs années après le décès de Jean-François de Galaup de Lapérouse, cette ferme a été attribuée à la famille de Victoire, la plus jeune de ses sœurs, lors du partage des biens qui a eu lieu le 27 novembre 1824 à Albi. La métairie passe ainsi dans la branche Dalmas des descendants de Lapérouse.
Aujourd'hui, cette bâtisse appartient à un particulier et possèderait encore les armoiries du navigateur.
-
Ép. 5 - Le collège des Jésuites
-
Saviez-vous que l’établissement albigeois dans lequel Jean-François de Galaup de Lapérouse a étudié est aujourd’hui un lycée qui porte son nom ?
Étant albigeois, Jean-François de Galaup de Lapérouse a d’abord étudié à Albi jusqu'à ses 15 ans avant son départ pour la Marine. C’est au collège des Jésuites qu’il fait ses premiers pas en tant qu’élève. Le futur navigateur étudie exclusivement en latin et va rencontrer plusieurs personnalités qui deviendront elles-aussi connues. Il y croise Rochegude, né la même année que lui, qui deviendra officier de la Marine, ou encore Jean-Baptiste Mengaud de la Hage. Ce dernier devient l’un de ses meilleurs amis, l’accompagnant dans certaines de ses expéditions notamment au Canada (1761) et en Ile de France (1774-76), nom de l’actuelle Ile Maurice.
Le collège des Jésuites s’installe dès 1623 en terre albigeoise, à la limite des anciens remparts de la ville. Il s’agit du plus ancien établissement secondaire du département du Tarn. Une chapelle datant du XVIIe siècle accompagne cet établissement. Elle a été réaménagée en 1991-1992 afin d’y accueillir un auditorium, une médiathèque et une salle informatique.
La Révolution française marque de son empreinte le collège des Jésuites. L’établissement change de statut et devient un collège communal, inauguré en 1796 avec un nouveau nom : École Centrale. Lors du Second Empire, en 1867, l’établissement est transformé en un Lycée Impérial, connaissant d’importantes modifications de son architecture et de ses infrastructures lui donnant l’aspect que l’on connaît aujourd’hui. Devenu le Lycée Lapérouse (1967), il compte notamment parmi ses professeurs Jean Jaurès (pour la philosophie), Georges Canguilhem (connu pour ses travaux de recherches pluridisciplinaires et son rôle important dans la résistance). Parmi les personnalités célèbres qui y ont été élèves, on trouve Georges Pompidou de 1918 à 1928, futur Premier ministre puis Président de la République française, le comédien et metteur en scène Pierre Mondy ou encore le romancier et essayiste Paul Guth.
Aujourd’hui, ce lycée n’est plus semblable à celui que le navigateur a connu au cours du XVIIIe siècle. Les classes de collège ont été déplacées au collège Jean Jaurès nouvellement construit, de sorte que l'établissement Lapérouse se recentre sur les classes de lycée et s'ouvre aux classes préparatoires. Il accueille plus de 650 élèves et se distingue par d’importants taux de réussite au bac général de huit points au-dessus de la moyenne nationale (98% en 2021).
-
Ép. 6 - Lapérouse et Rochegude : un destin commun
-
Saviez-vous qui est Rochegude, contemporain de Lapérouse ?
Le plus connu des marins albigeois est sans aucun doute le navigateur et explorateur Jean-François de Galaup de Lapérouse. Il existe un autre marin au parcours également remarquable et en quelques points similaire à celui de Lapérouse : il s’agit d’Henri Paschal de Rochegude, fils de François Paschal de Rochegude et de Rose de Combettes de Caumon. Il est issu d’une famille ayant des titres de noblesse. Il naît à Albi le 18 décembre 1741, soit la même année que Lapérouse. Il est baptisé quelque temps plus tard à l’église Saint-Salvi d’Albi.
Son éducation se déroule au collège des Jésuites d’Albi, en même temps que Lapérouse. Il intègre ensuite, à l'âge de 16 ans, l’école de la Marine de Rochefort. En 1758, le marquis de Rochegude entre à l’école des Gardes de la Marine de Brest. Il y retrouve Jean-François de Galaup de Lapérouse qui avait intégré cette même école deux ans auparavant. Les deux marins albigeois participent alors à des missions communes dans l’océan indien en 1768 et à la guerre d’indépendance américaine dès 1778.
Sous la Révolution, le marquis de Rochegude est promu en 1793 contre-amiral puis commissaire inspecteur des ports et arsenaux. La Révolution a fait de lui un homme politique : il appartient au courant de la noblesse. Il siège à l’Assemblée Nationale à partir de 1792 et participe à la Convention où il vote contre la mort du Roi. Il est mis à la retraite sous l’empire en 1801. Il revient alors définitivement dans sa ville natale en 1799 et achète un hôtel particulier proche du centre-ville d’Albi, devenu aujourd’hui l'Hôtel Rochegude, dans lequel il réalise de nombreux travaux de rénovation. Il s’impliqua dans la vie politique de la ville en faisant partie des États généraux d’Albi.
Henri Pascal de Rochegude, un navigateur bibliophile à Albi.
INA - France 3, Vent sud, 1996.
https://sites.ina.fr/occitanielivre/focus/chapitre/6/medias
Ses passions - la littérature, les études scientifiques portant notamment sur la période du Moyen-Âge et les œuvres de troubadours - l’ont amené à accumuler près de 20 000 ouvrages dans sa bibliothèque, parmi lesquels des ouvrages de grands philosophes des lumières tels que Voltaire, Rousseau, Montesquieu ou Diderot. D’autres ouvrages plus exotiques ont été retrouvés dans cette bibliothèque comme des livres en chinois, russe ou persan.
Le marquis de Rochegude meurt à Albi en 1834, à l’âge canonique, pour l’époque, de 93 ans. Dans la nuit suivant sa mort, une multitude d’ouvrages de sa bibliothèque considérés comme subversifs disparaissent afin qu’il puisse prétendre à une sépulture chrétienne. Il est inhumé dans le cimetière de l'hôpital d’Albi, dans une tombe anonyme, dont la trace est aujourd’hui perdue. Sans descendance directe, il avait nommé la Ville d’Albi comme héritière principale de sa collection de manuscrits, de son hôtel particulier et du parc qui l’entoure. Cinquante et un ans plus tard, en 1885, la Ville d'Albi prend possession de son hôtel particulier et de son parc aujourd’hui devenu Hôtel et Parc Rochegude, ainsi que de sa bibliothèque de quelques 12 400 ouvrages. Ils constituent aujourd’hui le « fonds Rochegude » conservé à la médiathèque Pierre-Amalric.
-
Ép. 7 - Albi à l'époque de Lapérouse : une ville en pleine transformation
-
Saviez-vous de quand date la démolition des remparts d’Albi ?
Entre 1741 et 1788, dates de la naissance et de la disparition de Jean-François de Galaup de Lapérouse, la ville d’Albi a connu de profondes transformations pour permettre une meilleure gestion des flux et mobilités avec le passage de la route royale reliant Toulouse à Rodez. Ces grands travaux sont principalement l’œuvre de deux hommes : l'archevêque Léopold-Charles de Choiseul-Stainville (1724-1774) et l’ingénieur Léger Laroche (1735-1780). Ils commencent par la démolition d’une majeure partie des remparts de la ville, en mauvais état et qui n'avaient plus aucune utilité défensive. Les travaux de démantèlement débutent deux décennies avant la naissance de Lapérouse et se poursuivent jusque dans les années 1760. Enfant, il assiste à toutes ces métamorphoses urbaines. Lors de son départ pour Brest, les chantiers autour des remparts ne sont toujours pas finalisés et la transformation de la ville se poursuit.
En juillet 1783, lors de son mariage, Lapérouse redécouvre une ville méconnaissable : trois kilomètres de remparts ont déjà disparu, six portes détruites, et les fossés encerclant la Cité ont été remblayés. Peuplée d’environ 7 000 habitants à sa naissance, Albi connaît une évolution démographique favorable dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle grâce à l’essor industriel et compte 8800 habitants vers 1780.
La ville est dès lors nettement plus vivante, connaissant une augmentation des flux. Cependant, le chantier de la route royale dans le centre-ville d’Albi n’est toujours pas terminé et de nombreux embouteillages se forment dans la cité albigeoise. Laroche a fait construire une rue reliant le bas des actuelles lices Pompidou au Pont vieux, dans l’attente de la construction du pont neuf afin que la route royale puisse plus facilement traverser le Tarn. Celle-ci est retardée de près d’un siècle notamment à cause de la révolution de 1789 venue quelque peu chambouler les plans de l’architecte.
Lapérouse aura donc vu au cours de sa vie une ville en permanence en travaux. Après sa disparition en 1788, les grands aménagements urbains d’Albi se poursuivent, avec la création du quai Choiseul ou encore, au XIXe siècle, l’agrandissement et le réaménagement de la place de la Cathédrale, ainsi que l’amélioration de son accessibilité par l’architecte et urbaniste Jean-François Mariès.
Saison 3
-
Ép. 1 - Sa formation à l’école des Gardes de la Marine de Brest
-
Connaissez-vous les débuts du parcours militaire de Lapérouse ?
En 1756, à peine âgé de 15 ans, Jean-François de Galaup de Lapérouse quitte Albi et intègre l’école des Gardes de la Marine de Brest. Quelques mois seulement après son arrivée, il part déjà en direction du Canada pour y mener sa première guerre : la guerre franco-anglaise de Sept ans sur la possession des colonies d’Amérique du Nord
La carrière militaire de Jean-François de Galaup de Lapérouse commence très tôt. Âgé de seulement 15 ans et sans jamais avoir vu la mer, le jeune Albigeois se lance en 1756 dans une longue et grande carrière maritime. Cette vocation de marin lui vient notamment de son cousin Clément Taffanel de La Jonquière. De 35 ans son aîné, ce dernier est déjà officier dans la Marine Royale. Il influence le jeune albigeois et va convaincre ses parents à intégrer les rangs de la marine nationale.
L’École des Gardes de la Marine de Brest est créée en 1683 sur décision de Jean-Baptiste Colbert, Marquis de Seignelay. Celle-ci vient alors en complément des deux compagnies déjà en place à Toulon et Rochefort, imaginées quelques années plus tôt, en 1669 par Colbert. Chacune de ces compagnies, dont l’accès est réservé aux nobles, compte environ 700 gardes. Elles sont, au XVIIIe siècle, le passage obligé pour ceux souhaitant devenir officier dans la Marine.
En 1757, elle connaît un grand remaniement avec la séparation des élèves en deux groupes : les “officiers rouges” et les “officiers bleus”. Les premiers sont destinés à une carrière militaire tandis que les seconds à une carrière dans la marine marchande. Cette école des Gardes de la Marine de Brest existe toujours, sous une forme différente et sous un autre nom. C’est, depuis 1830, l’École navale. Cependant, depuis 1993, c’est l’École de maistrance, assurant la formation initiale des officiers mariniers de la Marine nationale française, qui se trouve dans les locaux de l’ancienne École des Gardes de la Marine de Brest. L’École navale a déménagé sur un nouveau site.
L'accès à cette école étant réservé aux nobles, le jeune albigeois a dû justifier de bénéficier d’une rente annuelle supérieure à 400 livres. Son père, Victor-Joseph de Galaup, lui offre pour cela la ferme de Lapeyrouse (sur la commune de Puygouzon). Jean-Francois de Galaup devient alors Jean-François de Galaup, comte de Lapérouse. Le nom Lapérouse prend même le dessus sur son nom de naissance et figure dorénavant seul sur sa signature.
Lapérouse restera dans cette école pendant environ sept ans, jusqu’en 1762. Durant ces années, il va participer à la guerre de Sept ans dès novembre 1756 au Canada à bord du Célèbre, soit seulement quelques mois après son arrivée.
-
Ép. 2 - La rencontre avec le chevalier de Ternay
-
Saviez-vous que Lapérouse a donné le nom de l’un de ses amis à une baie ?
Dès les débuts de sa carrière militaire, Lapérouse se lie d’amitié avec un certain Charles-Henri-Louis d’Arsac, chevalier de Ternay, lors d’un combat contre les pêcheries britanniques de Terre Neuve. Les deux hommes se croiseront sur des missions conjointes tout au long de leur carrière.
Fils de Charles-François d’Arsac marquis de Ternay et de Louise Lefebvre de Laubrière, Charles-Henri-Louis d’Arsac, chevalier de Ternay, est né le 27 Janvier 1723 à Angers, dans la paroisse Sainte-Maurille. Il sera ondoyé quatre jours plus tard, le 31 janvier 1723 et ne sera baptisé qu’à l'âge de 10 ans, le 10 octobre 1733, à Ternay (département de la Vienne).
Âgé de 15 ans, Charles-Henri-Louis d’Arsac, chevalier de Ternay, est admis le 12 décembre 1737 comme page du grand maître au sein de l’ordre de Malte. Près d’un an plus tard, il intègre cette fois le corps des gardes de la Marine de Toulon. En 1743, le chevalier de Ternay gravit les échelons et devient sous brigadier, puis, trois ans plus tard, enseigne de vaisseau. Enfin, le 10 janvier 1761, il est nommé au grade de capitaine de vaisseau après s'être fait remarquer pour avoir secouru trois navires français dans la Baie des Vilaines.
Il prend alors le commandement du Robuste accompagné de cinq navires représentant en tout et pour tout 750 militaires dont le jeune Jean-François de Galaup de Lapérouse. Ensemble, ils partent combattre en 1762 les pêcheries britanniques de Terre Neuve. C'est à ce moment-là que les deux hommes feront pour la première fois connaissance. Lapérouse est alors encore dans son cycle de formation à l’école des gardes de la Marine. Les deux marins se lient d’amitié. Dix ans après leur première rencontre, en 1772, en tant qu’enseigne de vaisseau, Lapérouse conduit Ternay à l’Ile de France (Ile Maurice aujourd'hui) dont il vient d’être nommé gouverneur. Lapérouse y passera quatre ans et y rencontrera sa future femme Eléonore Broudou. Cette rencontre va compliquer la relation qu'entretiennent les deux amis. Le père de Lapérouse, Victor-Joseph de Galaup, informé de cette idylle, s’y oppose. Il délègue ses droits paternels au chevalier de Ternay en le nommant tuteur et lui demande de veiller à ce que les deux tourtereaux restent à l’écart l’un de l’autre.
Ternay et Lapérouse se retrouvent encore une fois quelques années plus tard en 1780. Cette fois-ci, Lapérouse agit en tant que lieutenant de vaisseau dans une escadre sous le commandement de Ternay ayant pour but d’amener en Amérique les 6000 hommes de Rochambeau. Lors de cette mission, le chevalier de Ternay est victime de la fièvre putride. Il succombe de la maladie huit jours après l’avoir contractée dans la rade de Newport dans l'État du Rhode Island.
En apprenant sa mort, Lapérouse confie qu'il l’aimait comme un père. En hommage à son ami mais aussi au grand navigateur qu’il était, au cours de son expédition autour du monde, il baptise en 1787 une baie en son nom située en face du détroit de Lapérouse, sur la côte de Mandchourie. C’est à cet emplacement que se trouve aujourd’hui la ville de Terney, en Russie.
-
Ép. 3 - La guerre de Sept ans
-
Saviez-vous que Lapérouse a été fait prisonnier lors de sa carrière militaire ?
Lapérouse entre dans l’école des gardes de la Marine de Brest en 1756. Pendant ses études, il est engagé dès l'âge de 17 ans dans les conflits maritimes de la guerre de Sept Ans contre l’Angleterre au large de l'Amérique du Nord. Il embarque sur le Célèbre dans l’escadre commandée par le comte (lieutenant-général) Dubois de La Motte et envoyée au secours de Louisbourg, sur l'île Royale. Lors de cette première mission, il va connaître sa première péripétie professionnelle !
La guerre de Sept ans est un fait majeur pour l’Europe puisqu’elle est la première à être qualifiée d’importance mondiale du fait des conflits en Europe mais aussi outre Atlantique et dans les Indes. Elle se déroule entre 1756 et 1763 et a pour origine une rivalité entre l’Angleterre et la France au sujet des colonies situées en Amérique du Nord. De ce fait, de nombreux combats éclatent sur le vieux continent et en Amérique, où les conflits s’intensifient dès l'année 1756.
C’est en 1757 que Lapérouse entre en jeu dans ces conflits au large de l'Amérique du Nord et plus principalement à Terre-Neuve, possession anglaise avant la guerre, et sur le Saint-Laurent. Il fera aussi quelques interventions aux Antilles. Il est accompagné de son cousin éloigné, Clément de Taffanel de La Jonquière, ainsi que du chevalier de Ternay.
Lapérouse embarque à deux reprises pour venir au secours de Louisbourg, sur l’Île Royale. La première fois sur le Célèbre dans l’escadre commandée par le comte (lieutenant-général) Dubois de la Motte. Le retour de l’escadre le 12 novembre 1757 apporta à Brest la terrible épidémie de typhus qui fit plus de 6 000 victimes. La deuxième fois le 22 février 1758, sur la frégate le Zéphire dans l’escadre sous le commandement du chevalier de Ternay. Le but de ce second voyage était d’apporter des canons, des munitions et de transporter des troupes sur ce territoire puisque la situation avec les Anglais était critique. Le jeune Lapérouse y livre son premier combat. Le commandant, le chevalier de Ternay, avait pour ordre de regagner Brest le plus vite possible, tant la situation était désespérée à Louisbourg. La France perd ce territoire, au profit des forces anglaises bien plus nombreuses. Après ce retour et fort de cette expérience, Lapérouse dut fournir de nombreux efforts après ces nombreux mois en mer pour rattraper le retard accumulé dans ses études.
Le 16 mai 1759, Lapérouse embarque sur le vaisseau le Formidable dans l’escadre préparée par le maréchal de Conflans à Brest pour protéger la ville d’un éventuel débarquement. Le 20 novembre cette escadre de vingt-et-un vaisseaux se heurte à l’entrée de la baie de Quiberon aux vingt-trois bâtiments britanniques commandés par l'amiral Hawke. Le Formidable participe pleinement à la bataille de Quiberon, une des plus célèbres de la guerre de Sept ans, durant laquelle Lapérouse reçoit deux blessures et est fait prisonnier, avant d’être échangé.
-
Ép. 4 - La mission dans l’Océan indien
-
Saviez-vous que Lapérouse a passé plusieurs années à l’Ile Maurice ?
Après être revenu des Antilles où il venait de terminer une campagne sur l'Île de Saint Domingue, Lapérouse est envoyé dans l’Océan Indien, à l’Isle de France, l’ancien nom de l’Île Maurice (jusqu’en 1810). Présent sur l’île entre 1772 et 1777, Lapérouse devient propriétaire terrien en y acquérant un domaine ; c’est également à Maurice qu’il rencontre son amour de toujours…
En 1771, après une campagne à Saint-Domingue, colonie française devenue Haïti à son indépendance en 1804, Lapérouse revient des Antilles. L’année suivante, le navigateur, alors Enseigne de Vaisseau, est envoyé dans l’océan indien, où il doit rallier l’Isle de France (devenue l’Ile Maurice en 1810).
Lapérouse accompagne le chevalier de Ternay (1723 - 1780) qui prend ses fonctions de Gouverneur général des Mascareignes (comprenant notamment l’Île de la Réunion, l’Île Maurice et Rodrigues).
En 1772, de Ternay est nommé Gouverneur des Isles de France (Maurice) et de Bourbon (Réunion).
Lapérouse s’acclimate à la vie sur l’archipel dans lequel il fera même la rencontre de l’amour de sa vie : Éléonore Broudou, fille du chef du bureau des armements de l’île (arsenal de Port-Louis). Pour rester proche de la famille Broudou, il acquiert même, avec son ami albigeois le lieutenant de vaisseau Charles Mengaud de la Haye (ou Hague), un domaine en plein centre de l’île, à Eau Coulée.
Lapérouse reste cinq années basé sur cette île et améliore durant cette période ses compétences marines et ses connaissances de l'Océan Indien du fait de multiples déplacements. En effet, depuis l’Île de France, Lapérouse réalise des expéditions notamment aux Seychelles et en Inde, dont il longe la côte jusqu'à Calcutta.
Durant cette période, Lapérouse mène également différents combats, notamment pour protéger le comptoir de Mahé (Inde) qui est alors disputé par les Britanniques. Il réussit à repousser des milliers d’indiens et finalement un armistice est signé ; Lapérouse a sauvé Mahé.
À son retour en métropole en 1777, Lapérouse est nommé lieutenant de vaisseau et fait Chevalier de l’ordre militaire de Saint-Louis pour avoir défendu le comptoir de Mahé.
Il publie également un mémoire intitulé « Projets sur l’Inde » dans lequel il détaille sa vision de la stratégie à mener dans ces territoires ultramarins. Ses idées seront en partie reprises par le vice-amiral Pierre André de Suffren (1729 - 1788) lors de sa glorieuse campagne dans l’Océan Indien quelques années plus tard (1781 - 1784).Deux monuments installés à Curepipe, commune du centre de l’Île Maurice intégrant Eau Coulée, rappellent la vie de Lapérouse sur cette île.
-
Ép. 5 - La rencontre avec Éléonore Broudou
-
💡Saviez-vous que Lapérouse eut un véritable coup de foudre à l’Île Maurice ?
💬 Jean-François de Galaup de Lapérouse, grand marin et explorateur, a parcouru le monde et surtout ses océans, multipliant les expéditions. Mais côté cœur, c’est à l’Île Maurice (l’Isle de France, à l’époque) que tout chavire, avec la rencontre d’Éléonore Broudou. Malheureusement, les parents du navigateur n’apprécient pas cette romance et ont d’autres projets pour leur fils…
Tout au long de sa carrière de marin, Lapérouse effectue de nombreux voyages. Mais c’est au cours de sa mission à l’Île Maurice que son cœur chavire.
En effet, lorsque Abraham Broudou, chef du bureau des armements de Port-Louis, l’invite à séjourner dans sa maison du centre de l’île, Lapérouse fait la rencontre des deux filles de son hôte, Elizabeth et Éléonore. Éléonore Broudou est née à Nantes en mai 1755 et décrite comme une très jolie fille, intelligente et douce.
Lapérouse tombe littéralement sous le charme d’Éléonore. C’est réciproque mais la jeune fille (17 ans) ne souhaite s’engager car son aînée partageait les mêmes sentiments pour le navigateur. Cependant, cette dernière s’effacera et écrira à sa sœur qu’il ne s’agissait que d’amitié. Les deux amoureux se fiancent ensuite.
Cet amour, le navigateur le signale dans une lettre à sa sœur datée du 1er août 1775 : « Je suis un peu amoureux d’une jeune femme de cette île et cette affaire pourrait bien se terminer par un mariage, mais rien n’est encore décidé… ».
Malheureusement, le père du navigateur, Victor-Joseph de Galaup, s’oppose à l’union envisagée et le chevalier de Ternay, proche de la famille Lapérouse et alors gouverneur de l’Île Maurice, reçoit une délégation d’autorité paternelle, un document en bonne forme qui lui donne toute autorité.
Le marin décide alors, le 16 décembre 1776, de rentrer en métropole afin de tenter de convaincre ses parents, qui rêvent pour leur enfant d’un mariage avec l’héritière d’une famille de grande noblesse, Rose de Vésian.
-
Ép. 6 - Le mariage avec Éléonore Broudou
-
💡 Savez-vous que Lapérouse, par amour, s’est attiré les foudres de ses parents ?
💬 Jean-François de Galaup de Lapérouse, célèbre aventurier marin, tombe amoureux d’Éléonore lors de son séjour à l’Île Maurice. Mais cette union ne plaît guère à ses parents qui ont d’autres projets pour leur fils. Après bien des années mais aussi des absences dues à ses fonctions de marin, Lapérouse se marie finalement en secret avec la jeune Éléonore...
Alors que le jeune navigateur semble très heureux de la rencontre sur l’Île Maurice avec Éléonore et du mariage dont les deux tourtereaux rêvent, les parents de Lapérouse ne voient pas les choses du même œil.
En effet, ils ne partagent pas l’entrain de cette relation amoureuse et s’opposent à l’idée même que leur fils, descendant d’une famille noble installée, se marie avec une jeune fille venant d’une famille moins prestigieuse. De plus, il s’avère que les parents de Lapérouse ambitionnent pour leur fils un mariage avec une jeune fille de leur région : il s’agit de Marie-Thérèse-Rose de Vésian, décrite comme riche, noble et belle albigeoise, fille d’une famille amie des Galaup. Afin d’empêcher son fils de se marier, le père de Jean-François fait même placer celui-ci sous la tutelle du chevalier de Ternay, gouverneur de l’Île Maurice.
Jean-François de Galaup de Lapérouse est décidé à se battre pour ce mariage d’amour avec Éléonore. Cependant, rentré de l’Île Maurice en 1776, le marin subit continuellement la pression parentale au profit d’un mariage de raison avec Mademoiselle de Vésian. Dans l’intervalle, Éléonore Broudou traverse les mers en direction de Nantes en compagnie de sa mère, qui la plaça ensuite en couvent Saint-Antoine à Paris tandis qu’elle doit quant à elle repartir à l’Île Maurice retrouver les siens.
Après plusieurs années, et n’ayant plus vu Éléonore depuis six ans, Lapérouse semble se résoudre à accepter la position de ses parents.
Cependant, en 1783, Lapérouse rentre de Cadix à Brest puis est appelé à Paris par le Ministre de la Marine. Malgré la promesse faite à sa mère de ne plus revoir Éléonore, le marin la rencontre dans le parloir du couvent Saint-Antoine.
Éléonore et Jean-François gardent pour eux le détail de leurs échanges, mais leurs sentiments prennent le dessus. Jean-François renonce au mariage avec Mademoiselle de Vésian et se marie en toute discrétion avec Éléonore le 17 juin 1783 (ou le 8 juillet, selon d’autres sources) en l’église Sainte-Marguerite, à Paris.
Éléonore s’engage ainsi à aimer et choyer un marin par définition souvent absent d’Albi, où elle s’installe. Il en est notamment ainsi durant les deux années qui précèdent le départ de Lapérouse, le 1er août 1785, pour sa fameuse expédition à travers le monde et dont on connaît l’issue tragique, avec les deux frégates de la Marine Royale, la Boussole et l’Astrolabe.
Ils ne se retrouveront jamais.
Éléonore meurt en 1807, à 52 ans, sans jamais avoir eu de nouvelles de son mari.
-
Ép. 7 - La guerre d'indépendance américaine
-
💡 Savez-vous que Lapérouse a combattu plusieurs fois en Amérique ?
💬 Après avoir combattu au Canada lors de la guerre de Sept ans (1756 - 1763), Lapérouse retourne quelques années plus tard dans les Amériques, mais cette fois-ci à l’occasion de la guerre d’indépendance américaine (1778 - 1783). Lors de cette campagne en Amérique du nord, il se fait remarquer à la fois pour ses qualités de marin, mais également pour son humanisme.
En juillet 1778, La France s’engage dans la guerre d’Amérique au côté des insurgés. C’est l’occasion de nouveaux affrontements avec l’Angleterre. Les opérations sur terre sont placées sous le commandement de Jean-Baptiste-Donatien de Vimeur, Comte de Rochambeau (1725 - 1807) tandis que le Comte Charles-Henri d’Estaing (1729 - 1794) reçoit la responsabilité de la flotte.
Lapérouse participe aux combats, dans les escadres d’Estaing, de Ternay et de Grasse.
En 1778, Lapérouse reçoit le commandement de la frégate l’Amazone. Se joignant à la flotte du Comte d’Estaing, Lapérouse participe notamment, en juillet 1779, à la prise de Grenade. Puis il est placé en surveillance devant Charleston, en Caroline du sud.
Devenu capitaine de vaisseau en avril 1780, il reçoit en décembre suivant le commandement de la toute nouvelle frégate l’Astrée. Il se fait notamment remarquer en juillet 1781 lors de la bataille navale de Louisbourg, sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre, quand il s’attaque avec succès, au sein de l’Hermione (alors commandée par Latouche-Tréville), à un convoi britannique bien plus nombreux que le convoi français.
Mais c’est l’année suivante que Lapérouse connut son plus grand succès, grâce à l’expédition de la Baie d’Hudson. Il est aux commandes
-
Ép. 8 - Un marin repéré par Louis XVI
-
💡 Savez-vous pour quelles raisons Lapérouse a été choisi par Louis XVI pour mener sa grande expédition ?
💬 Seulement quelques années avant le départ de la plus grande expédition française de l’histoire, Lapérouse remporte une victoire clé dans la Baie d’Hudson. Il y réalise un fait d’armes exceptionnel mais vient également en aide aux soldats britanniques s’étant cachés dans la forêt, en leur laissant des vivres. Son nom gagne en popularité et circule à la cour… Et c’est donc Lapérouse que Louis XVI nomme au commandement de la grande expédition qui partira de Brest le 1er août 1785.
En 1782, Lapérouse rentre en métropole après sa victoire dans la Baie d’Hudson. Cette victoire est sans équivoque : les forts britanniques de la baie sont détruits et cette bataille met en avant les talents de navigateur et d’explorateur de l’Albigeois.
En plus de la victoire sur le terrain, la France, par l’action de Lapérouse, fait montre d’une image quelque peu humaniste. En effet, ayant connaissance du fait que certains soldats britanniques se sont réfugiés dans les bois aux alentours des forts, Lapérouse fait laisser des vivres afin que les marins britanniques ne meurent pas de faim. Mais il leur laisse également des armes, afin qu’ils puissent se défendre contre les éventuels dangers. Lapérouse rend enfin une carte des lieux à l’un des officiers britanniques, en échange de garanties pour la copie de cette carte afin qu’elle devienne disponible pour tous les marins.
Cet épisode constitue l’un des principaux et des plus reconnus faits d’armes de Lapérouse et lui permet même d’obtenir une place au sein de la prestigieuse Société des Cincinnati. Fondée en 1783, elle réunit officiers et diplomates qui se sont distingués durant la guerre d'indépendance des États-Unis.
C’est notamment pour son comportement lors des combats de la baie d’Hudson que Lapérouse est remarqué à la cour du Roi : le marin albigeois est ainsi loué par les membres du gouvernement et de la cour, qui mettent certes en avant ses qualités de marin et de navigateur, mais également de négociation, ainsi que son humanisme vis-à-vis des prisonniers et sa mansuétude envers les peuples qu’il a pu croiser au cours de sa carrière.
Lapérouse réunit donc toutes les compétences nécessaires pour commander la plus grande expédition française de tous les temps. Il est donc naturellement nommé par le Roi Louis XVI pour mener à bien cette aventure sur proposition de Charles Eugène Gabriel de La Croix, Marquis de Castries, alors ministre de la Marine. Louis XVI suit de près les préparatifs de l'expédition menée par Lapérouse et lui indique lui-même le chemin à prendre avant le départ. Si la phrase est très certainement apocryphe, il reste intéressant de rappeler qu’on prête à Louis XVI montant à l’échafaud, le 21 janvier 1793, l’interrogation suivante, qui démontrait son attachement à l’expédition : "A-t-on des nouvelles de Monsieur Lapérouse ?”.
Saison 4
-
Ép. 1 - La génèse de l'expédition
-
💡Connaissiez-vous la passion de Louis XVI pour la géographie ?
💬 Dès 1783, lors du traité de Versailles, Louis XVI fait voter un budget conséquent pour la Marine, lui permettant alors de se moderniser et de réaliser des expéditions dont celle de Lapérouse. Cette expédition porte en elle de nombreux objectifs : scientifique, économique, ou encore politique.Il s’agit de renforcer l’image et de la puissance de la France à travers le monde, ainsi que la création de connaissances scientifiques.
Le XVIIIe siècle est marqué par le mouvement des lumières, caractérisé par une mise à distance de l’idéologie religieuse et une montée en puissance des connaissances scientifiques. Porté par ce mouvement, Louis XVI décide de faire avancer la science avec comme projet d’envoyer autour du monde les meilleurs scientifiques français de l’époque et des marins, sur une seule et même expédition.
Ce projet est mûrement réfléchi par le roi, qui, deux ans avant le départ de l’expédition, prévoit un budget important pour la Marine. Il permet, d’une part, une modernisation de la Marine française (déjà initié par le marquis de Castries, ministre de la Marine entre 1780 et 1787), et, d’autre part, il prévoit la conduite d’expéditions maritimes, notamment dans le pacifique.
Parmi les expéditions prévues, la plus conséquente est celle menée par Lapérouse. Elle a pour vocation première de faire progresser la science du XVIIIe siècle, en particulier la géographie et la botanique. De nombreux appareils scientifiques se rattachant à l’astronomie ou à la géographie sont ainsi embarqués à bord des deux frégates pour ce périple. Le rôle de l'expédition est alors de compléter les cartes déjà existantes, de les rendre plus précises, mais aussi d’en créer de nouvelles lorsque certaines parties du globe ne sont pas encore cartographiées.
Cette expédition a aussi pour but de redorer l’image de la France en montrant que le royaume est capable de rivaliser avec les fameuses expéditions de l’anglais James Cook (mort en 1779 aux îles Hawaï). Dans le même temps, ce tour du monde joue également un rôle commercial puisque Lapérouse va avoir pour mission de signer de nouveaux accords commerciaux avec d’autres territoires ou encore de développer de nouveaux comptoirs.
Pour la préparation de ce voyage, qui aurait coûté plus d’un million de livres au royaume, Louis XVI est très impliqué. En effet, il choisit lui-même Lapérouse comme commandant et détermine le parcours que les deux frégates vont emprunter. Il remet en personne toutes les instructions à Lapérouse peu de temps avant le départ de Brest. Il y donne alors les grandes lignes du comportement humaniste que lui et ses hommes devront adopter tout au long de l'expédition face aux peuples indigènes, en respectant leurs coutumes et en essayant de n’utiliser les armes qu’en cas de danger. Pour réhabiliter l’image de son frère, Louis XVIII commande en 1817 au peintre Nicolas André Monsiau un célèbre tableau présentant la rencontre du 28 juin 1785 entre Louis XVI, le marquis de Castries et Lapérouse. L’appétence du roi pour la géographie y est représentée, le monarque donnant ses instructions sur une carte, un globe terrestre derrière lui.
- Ép. 2 - Le recrutement des membres de l'expédition
-
💡 Saviez-vous que, pour cette grande expédition, de nombreux marins et scientifiques de renom ont été engagés ?
💬 Ce voyage fut dès l’origine perçu comme très important, à la fois pour son retentissement international, son apport scientifique, ses enjeux politiques et les bénéfices commerciaux qui pouvaient en découler. Afin que tous les objectifs prévus par le roi et les décisionnaires du voyage soient réalisés, le recrutement a été grandement réfléchi afin de mobiliser les hommes les plus compétents dans leur domaine, intellectuellement et physiquement.
Le recrutement commence par celui de Lapérouse, chef d’expédition voulu par le roi. Il a fait ses preuves à tous les niveaux, maîtrise l’art du combat maritime et de la navigation, et a mené à bien des entreprises délicates comme sa campagne dans la baie d’Hudson de 1782. Il avait alors pour ordre de détruire les installations anglaises pour la traite des fourrures et a triomphé dans cette mission sans perdre un seul de ses 250 hommes. Il est remarqué pour son humanisme dans le traitement des prisonniers, leur laissant des vivres et des munitions pour survivre. Cette victoire décisive explique qu’il soit choisi par Charles Pierre Claret de Fleurieu, alors directeur des ports et arsenaux, chargé de l'organisation de l'expédition autour du monde. Sa nomination est confirmée par Louis XVI et le marquis de Castries.
Dirigeant l’expédition et étant commandant de la Boussole, Lapérouse choisit son ami Fleuriot de Langle comme commandant de la seconde frégate l’Astrolabe. La planification de cette exploration autour du monde passe par le recrutement de nombreux marins et scientifiques, tâche confiée au comte d’Hector, en accord avec Fleurieu, Lapérouse et de Langle. Le choix se porte en priorité sur des marins robustes et expérimentés. Pour garantir une certaine cohésion des équipages, la très grande majorité de ceux qui sont choisis sont bretons. Une lettre datant du 6 mai 1785 du comte d’Hector, qui s’adresse au ministre Castries, justifie ce choix : « Les bretons sont ceux les plus propres à faire campagnes de ce genre : leur force, leur caractère et le peu de calcul qu’ils font sur l’avenir doivent leur faire donner la préférence. Aussi ces deux bâtiments en auront-ils leurs équipages entièrement composés. ».
De nombreux scientifiques parmi les plus renommés de leur époque sont également recrutés pour étayer le bien-fondé scientifique de l’expédition, comme le souhaitait Louis XVI. Ainsi, sur la Boussole et l’Astrolabe, embarquent notamment :
-
Ép. 3 - Le matériel de l'expédition
-
💡Saviez-vous que des orgues de barbarie ont été embarqués au départ de l'expédition ?
💬 Une expédition se prépare, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un tour du monde, le moindre oubli de matériel important peut la mettre en échec. La préparation de tout le matériel est donc un long travail où la place de chacun des objets et/ou vivres est calculée. Avant le départ, c’est Fleuriot de Langle qui dirige toute cette préparation. Il sollicite néanmoins Lapérouse pour quelques arbitrages.
➡️ Découvrez la suite :
Sur le plan matériel, la préparation de la grande expédition représente un réel défi logistique. Lors des préparatifs aucun oubli de vivres, d’appareils scientifiques, d’offrandes ou d’objets d’échanges ne doit être commis, au risque de compromettre la bonne marche de l'expédition prévue pour durer de longs mois. La place étant comptée, seul le strict nécessaire doit être embarqué à bord des deux frégates que sont la Boussole et l’Astrolabe.
Les vivres occupent une place primordiale. Les premiers calculs du comte Hector suggèrent de placer 935 tonneaux de vivres afin de satisfaire les besoins des 220 marins pendant trois années d'expédition. La place disponible sur les bateaux étant insuffisante, la décision est alors prise de partir de Brest avec moins de vivres et de recharger le bateau en provisions au fur et à mesure du voyage. Dans le même temps, Fleuriot de Langle, alors à Brest pour les préparatifs, fait installer un moulin à vent sur l’Astrolabe afin de moudre le blé emporté. Des légumes sont embarqués, il s’agit en particulier de choux, d’oseille et de choucroute connus pour leurs qualités anti-scorbutique. Pour la viande, ce sont des animaux qui sont directement chargés à bord des chaloupes ou placés au pied du grand mât.
Les objets scientifiques représentent également une part importante du matériel présent à bord des deux frégates, le progrès scientifique étant l'un des principaux objectifs de cette expédition. De nombreux appareils d’astronomie et de navigation sont embarqués : plusieurs quarts de cercles astronomiques, cinq horloges marines, quatre cercles de réflexion, trois sextants de réflexion, une montre de poche anglaise, trois horloges astronomiques, deux compteurs, ainsi que plusieurs lunettes astronomiques, deux boussoles d’inclinaison prêtées par les Britanniques, quatre graphomètres et divers objets supplémentaires.
Enfin, d'autres produits sont chargés à bord des frégates, il s’agit d’offrandes et d’objets d'échanges ou de pacotille pour permettre aux équipages d’être mieux perçus lors de leurs escales et de donner une bonne image de la France. Leur chargement est sous la direction de Monsieur Piquet. Pour cette expédition, on retrouve tous types d’objets, comme des étoffes, de la vaisselle, des couteaux, de l’outillage, de la porcelaine, des graines et des médailles, et d’autres éléments plus inattendus comme des casques de dragons ou des orgues d’Allemagne.
-
Ép. 4 - Le reconditionnement des bateaux
-
💡 Saviez-vous que les vaisseaux choisis par Lapérouse pour son expédition s’appelaient initialement le Portefaix et l’Autruche ?
💬 Afin de mener à bien une aussi vaste expédition, le choix des navires est extrêmement important. Lapérouse en avait conscience et a lui-même choisi les vaisseaux à utiliser en fonction de leur capacité à naviguer et des marchandises qu’ils étaient capables de stocker.
Le choix des navires est essentiel pour la bonne réussite d’une aussi longue mission. Les précédentes expéditions françaises, dont celle de Bougainville, ont pu démontrer que l’utilisation de navires de guerre était peu recommandable car peu pratiques. Les navires de transport, certes beaucoup moins rapides, sont préférables car en capacité d’offrir un stockage bien plus important, nécessaires à quatre années en mer pour plus d’une centaine d’hommes.
Lors de la phase décisive des préparatifs du voyage au début de l’année 1785, il devient essentiel de bien choisir les navires. Lapérouse s’oriente sur deux flûtes (même types de bateaux qu’avait utilisé le capitaine Cook). Il s’agit de vaisseaux spacieux, rustiques et qui permettent d’entrer dans des baies peu profondes.
Il était d’abord prévu d’effectuer les premières réparations et les travaux importants des deux navires sur le site de Rochefort, puis de les réaménager à Brest. Après une intense réflexion, Lapérouse se décide finalement pour une flûte, le Portefaix, et une gabarre plus petite, l’Utile. Cependant, ce dernier navire comporte un défaut : après l’ajout d’un entrepont, les chefs d'expédition s'aperçoivent que la contenance du vaisseau est fortement réduite, ce qui impose de condamner le moindre hublot, malgré tout nécessaire à l’hygiène. Lapérouse abandonne donc l’Utile, et fait transporter le Portefaix à Brest. Il opte finalement pour une autre flûte, l’Autruche. Ce choix est également stratégique, puisqu’il a pour avantage d’être équipé de la même manière et d’avoir la même capacité de navigation plus sécurisée : un navire pouvant venir au secours de l’autre.
Les frégates sont toutes deux équipées de petites embarcations secondaires, de voiles et de cordes de rechange. Un moulin à vent est également ajouté à l’arrière de l’Astrolabe afin de produire de la farine fraîche pour les équipages. Fleuriot de Langle supervise lui-même le réaménagement. Un ajout de bois de sapin renforcé par un mailletage de clous permet de renforcer la protection des coques des navires.
Destinées à être commandées par un futur chef d’escadre, les flûtes le Portefaix et l’Autruche deviennent officiellement, début juin 1785, les frégates la Boussole et l’Astrolabe. Comme tous les navires faisant partie de la flotte royale, elles devaient porter les armoiries de la France, avec, sur la Boussole, une sculpture symbolisant l’écu aux trois fleurs de lys et deux angelots qui manipulent des instruments de navigation et, sur l’Astrolabe, l’écu de France sur sa poupe.
Maquette de la Boussole au musée Lapérouse - Albi. Dépôt ALAF.
-
Ép. 5 - Une approche hygiéniste de son expédition
-
💡 Saviez-vous que Lapérouse, s’inscrivant dans les pas de James Cook, mit tout en œuvre pour éviter à ses marins d’attraper le scorbut ?
💬 Les connaissances et les capacités de Lapérouse étaient nombreuses. Son approche et la relation qu’il entretenait avec son équipage étaient uniques pour un chef d’exploration. En effet, il prenait à cœur le fait de s’assurer que son équipage soit en bonne santé et qu’il se sente bien. Il avait également une grande volonté à s’assurer que les marins, logiquement effrayés par le scorbut à cette époque, ne l’attrapent pas.
À la fin du XVIIIᵉ siècle, la Marine n'excelle pas véritablement en matière d’hygiénisme et le taux de mortalité est important dans le milieu naval, quelle que soit la nation. En effet, les maladies comme le typhus, et celles liées aux carences - au premier rang desquelles le scorbut - faisaient partie intégrante des dangers auxquels les marins sont soumis. De plus, outre le fait de devoir vivre dans des conditions d’hygiène laissant à désirer, les marins sont également contraints de manger une nourriture pauvre, du fait des techniques de conservation encore restreintes.
Malgré ces conditions de vie compliquées et ces prédispositions à la maladie, Lapérouse est réputé pour son approche hygiéniste et l’importance qu’il accorde à son équipage, tentant de faire en sorte que ces dangers soient le moins présents possible sur ses navires.
On sait que par le passé le scorbut a causé bien des torts à de nombreux équipages. Par exemple, à cause du scorbut, l’explorateur britannique George Anson (1697 - 1762) perd l’essentiel de ses équipages lors de son exploration autour du monde (1740 - 1744), seuls 188 hommes étant rentrés à bon port, sur les quasi 2000 partis quatre ans plus tôt.
Afin de prévenir ces maladies, et au-delà des précautions prises par Lapérouse, le roi a également donné pour ordre avant le voyage de maintenir une extrême propreté à bord des navires, en faisant usage de l’aération et de la ventilation des différents quartiers des navires, ainsi que de la fumigation et de la purification de l’air. De plus, Louis XVI ordonne d’aérer les hamacs des équipages afin que les matelots ne négligent pas leur propreté.
Cependant ces précautions ne sont pas suffisantes. En effet, au-delà d’une hygiène rigoureuse, il faut aussi avoir des vivres frais à bord. Lapérouse, comme James Cook avant lui, fut néanmoins l’un des premiers à tenter de préserver au mieux son équipage et à établir la relation entre alimentation et scorbut, alors que beaucoup pensaient que l’air marin - et en particulier l’humidité - expliquait la dégradation de la santé des équipages.
Dans l’intérêt du voyage, la santé des hommes est donc essentielle. Jean-François de Galaup de Lapérouse cherche alors le moyen de les préserver pour cette expédition qui s’annonce très longue. Ainsi, comme il l’écrit, il est nécessaire d’avoir à bord « un chirurgien ou médecin aussi instruit, s’il est possible, que le célèbre Anderson du capitaine Cook et qui serait chargé de l’examen des vivres et antiscorbutiques ». Il demande et obtient l’intégration à l’équipage de Claude-Nicolas Rollin (1752-1788) qu’il avait vu travailler pendant la guerre d’Amérique. Sur l’Astrolabe, embarque Simon Lavaux (1755-1788) qui a la même carrière et le même profil que Rollin.
L'Astrolabe et la Boussole au mouillage, en Alaska en 1786. Dessin réalisé lors de l'expédition Lapérouse. « Vue des frégates au Port des Français », lavis de Gaspard DUCHÉ DE VANCY (1756-1788). Juillet 1786. Service historique de la Marine, SH 352.
-
Ép. 6 - Paul Mérault de Monneron : la mission spéciale en Grande-Bretagne, dans les pas de James Cook
-
💡 Connaissez-vous Paul Mérault de Monneron ?
💬 Paul Mérault de Monneron (1748-1788) est un ingénieur en chef de la Marine française. Il est envoyé en 1785 par Lapérouse en Grande-Bretagne avec l’objectif de trouver le secret de James Cook pour combattre le scorbut à bord des navires, de connaître les objets d'offrandes les mieux adaptés, et de revenir en France avec du matériel de navigation utilisé par les Anglais.
Avec l’expédition conduite par Lapérouse, l’objectif du Roi Louis XVI est d’inscrire la France dans les grandes expéditions maritimes, à la suite du célèbre James Cook (1728 - 1779). Les expéditions de l’explorateur britannique intriguent également Lapérouse, notamment le troisième voyage de Cook (1776-1779) au cours duquel aucun cas de scorbut n’a été déclaré sur le bateau. Pour éviter à son équipage de contracter cette maladie, Lapérouse souhaite connaître le secret de Cook et envoie Paul Mérault de Monneron en Grande Bretagne en mars 1785.
Paul Mérault de Monneron n’est pas choisi par hasard pour cette mission ; en effet il exerce déjà en tant qu’ingénieur en chef dans la Marine ; il est par ailleurs reconnu pour sa discrétion, son honnêteté et sa maîtrise de l’anglais. Il était également présent sur le Sceptre, commandé par Lapérouse, lors de l’Expédition de la Baie d’Hudson, en 1782 – et cela aura son importance...
L'ingénieur en chef, tout juste âgé de 37 ans, se voit donc confier une triple mission : la première consiste à se procurer les pratiques et remèdes anti-scorbutiques utilisés par James Cook lors de ses voyages. La deuxième a pour but de ramener de Grande-Bretagne des instruments de navigation. Enfin, l’homme de Lapérouse a pour objectif de récupérer des renseignements sur les objets appréciés par les indigènes des mers du sud.
Et si Monneron agit au départ en toute discrétion, les Anglais, dès lors que les objectifs du Français sont percés à jour, vont finalement pleinement l’aider, rendant en quelque sorte la pareille à Lapérouse suite à l’épisode de la baie d’Hudson (le marin français avait laissé armes et vivres aux survivants anglais pour leur permettre de passer l’hiver à venir) et faisant primer l’intérêt scientifique, malgré le contexte de rivalité entre les deux pays.
Dans le cadre de sa mission, Monneron côtoie notamment le peintre John Webber (1751 - 1793) qui était présent lors du troisième voyage de Cook, au cours duquel il était chargé de réaliser les dessins. Webber est d’une grande utilité pour Monneron, lui relatant moultes anecdotes sur le comportement à tenir vis-à-vis des peuples autochtones et en particulier le fait de prévoir des offrandes de tissus rouges.
Webber amène également Monneron dans les échoppes où James Cook s’était lui-même approvisionné en produits anti-scorbutiques. En effet, le scorbut est causé par une alimentation pauvre, mais le lien avec la vitamine C n’est pas encore établi. Monneron fit ainsi envoyer en France plusieurs remèdes contre le scorbut : deux caisses d’essence d’épicéa, soixante-huit d’essence de malt, vingt de mélasse et six de confiture. Et il fit également l’acquisition de l’ouvrage de 1753 de James Lind (1716-1794), médecin et pionnier de l’hygiène dans la marine royale britannique, Traité du scorbut.
Cook avait aussi notamment introduit dans la nourriture de ses équipages le chou fermenté et le citron. Par ailleurs, le marin utilisait contre le paludisme l’“écorce du Pérou” (ou Quinquina), un équivalent de la quinine.
A Londres, Monneron rencontre également Joseph Banks (1743 - 1820), président de la Royal Society of London qui avait accompagné Cook lors de son premier voyage (1768 - 1771). Ce dernier lui donne des boussoles d’inclinaison qui avaient été utilisées par Cook. Un passage du Journal de Lapérouse indique d’ailleurs : “Je dois ici témoigner ma reconnaissance au chevalier Banks, qui, ayant appris que M. de Monneron ne trouvait point à Londres de boussole d'inclinaison, voulut bien nous faire prêter celles qui avaient servi au célèbre capitaine Cook. Je reçus ces instruments avec un sentiment de respect religieux pour la mémoire de ce grand homme.”
Pour son retour en France, Monneron emporte également de nombreux autres appareils de navigation tels que des compas, des télescopes, des thermomètres, des sextants, ou encore des baromètres.
Cette escapade Britannique a donc permis à Monneron de récupérer une importante quantité de connaissances qui vont véritablement jouer dans la bonne marche de l'expédition, que ce soit lors des escales, avec des offrandes mieux adaptées, ou sur le plan sanitaire, avec des méthodes pour contrer notamment le scorbut.
Paul Mérault de Monneron fait lui-même partie de la grande expédition et périt en 1788 lors du naufrage de l'expédition à Botany Bay.
Le Docteur James Lind expérimentant le jus de citron comme remède pour soigner un marin victime de scorbut en 1747. A history of medicine in pictures, Compagnie pharmaceutique Parke-Davis, 1959. U.S. National Library of Medicine.
-
Ép. 7 - Une expédition portée par des valeurs contemporaines
-
💡Saviez-vous que Lapérouse jouissait d’un grand statut, en partie du fait de ses valeurs humanistes ?
💬 Lapérouse se fait particulièrement remarquer lors de l’épisode de la Baie d’Hudson (1782), au cours duquel le marin français laisse vivres et armes aux survivants anglais afin de leur permettre de passer l’hiver à venir.Ainsi, au-delà de la victoire militaire, ces valeurs humanistes font la réputation de Lapérouse jusqu’à la cour du roi et contribuent à le mettre à la tête de l’expédition décidée par Louis XVI dès 1783.
Dès la fin de la guerre d’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique (en 1783), la France envisage de mettre en place une expédition afin de compléter la cartographie réalisée par James Cook (1728 - 1779) lors de ses trois expéditions. Néanmoins, même si l’expédition confiée à Lapérouse (1785-1788) comprend des objectifs politiques et commerciaux indéniables, les buts scientifiques restent très importants.
Louis XVI possédait des connaissances géographiques plutôt pointues, et cette discipline tient une place prépondérante dans le programme scientifique de l’expédition. Cet objectif de découverte géographique va être particulièrement porté par le travail des ingénieurs Paul Mérault de Monneron (1748 - 1788) et Gérard Sébastien Bernizet (1760 - 1788), ainsi que par les astronomes Joseph Lepaute Dagelet (1751 - 1788) et Louis Monge (1748 - 1827).
Afin d’être le plus précis possible, ces scientifiques disposent des matériels les plus fiables et modernes de l’époque. Il s’agit là de l'un des éléments les plus importants du voyage, puisque l’objectif consiste à déterminer les coordonnées (longitudes et latitudes) avec la plus grande précision possible. À ce travail des astronomes s'associe également celui des hydrographes, qui ont la charge du relevé des côtes. L’importance de ces travaux est telle que chaque carte et relevé réalisé est directement remis au chef de l’expédition.
Mais se rajoute à ces différents champs un volet extrêmement novateur, à savoir celui que l’on pourrait qualifier aujourd'hui d'ethnographique. Le roi Louis XVI, certainement en partie influencé par les écrits de Jean-Jacques Rousseau (1712 - 1778) – lequel portait l’idée que l'Homme est naturellement bon et que la société le corrompt – impose l’idée que ce voyage doit permettre d’en apprendre davantage sur les sociétés et les individus qui les composent. Lors de cette expédition, il est donc attendu des scientifiques qu’ils effectuent des descriptions et analyses anthropologiques complètes des mœurs et des coutumes des populations qui seront rencontrées lors des escales.
Sources :
- La généreuse et tragique expédition Lapérouse, François Bellec, 1985
- L'expédition de Lapérouse 1785-1788. République française aux voyages de Cook, Catherine Gaziello, 1984
- Exposition Lapérouse d’Albi à Vanikoro, Association Salomon, 1985
Saison 5
- Ép 1 – Première escale : Madère
-
💡 Saviez-vous que, pour ses voyages, Lapérouse n’aimait pas les vins de Bordeaux ?
💬 Lors du départ de l’expédition du port de Brest, Lapérouse dût attendre des vents favorables pour prendre la mer. Le trajet officiel demandé par le Roi stipulait qu’en partant de Brest, la première escale devait se faire à Funchal, à Madère. Et Lapérouse a une bonne raison...
Après des mois de longs préparatifs, le départ prévu pour le 11 juillet 1785 est finalement repoussé en raison de vents d’ouest peu favorables. Le comte d’Hector, chargé du recrutement des équipages, envoie une gabare mouiller entre la Boussole et l’Astrolabe afin d’accueillir la moitié de chaque équipage. Le premier août, l’expédition s’élance enfin sous un ciel dégagé grâce à des vents plus favorables, portée par les encouragements de la foule amassée sur les quais. Lapérouse, sans le savoir, voit pour la dernière fois sa femme Éléonore.
Lourdement chargés de 350 tonneaux de vivres sur chaque frégate et de 1 000 tonnes de matériel et objets destinés à être échangés lors des escales, les deux vaisseaux n’avancent pas vite. Après presque deux semaines de voyage, l'expédition fait un premier arrêt le 13 août 1785 à Funchal, sur la côte sud de Madère (îles du Portugal). Les marins sont accueillis par M. Johnston, un négociant anglais résidant sur l'île. Celui-ci envoie à bord de la Boussole une cargaison de fruits frais. Lors de ce premier arrêt, Lapérouse, et probablement Langle, rendent visite au Gouverneur à la forteresse São Lourenço.
Lapérouse, constate que sur l’île, il est possible d’observer tous les arbres de l’Amérique (bananiers, citronniers, jamberosa connu aussi sous le nom de pommier-rose, etc ;). Malgré la courte durée de l’escale, seulement trois jours, le jardinier Collignon et le botaniste Lamartinière en profitent pour récolter quelques graines de laurier bourbon, de jambosier et de rhododendrons. Il remarque aussi, dans son journal, que la ville n’est pas organisée comme les villes de France, et que l'esthétique y est secondaire. Il s’émerveille d’avoir une vue imprenable sur la baie en prenant un peu de hauteur sur les versants alentours, là même où habitent la plupart des négociants anglais. Le 15 août, les savants et officiers de l’expédition sont invités à dîner par les Anglais, à l’occasion de la plus grande fête religieuse de l'île, célébrée dans l’église de Nossa Senhora do Monte.
La raison principale de cette escale à Madère est la volonté d’acheter trente tonneaux de vin pour chaque vaisseau. Lapérouse estime que ce vin est plus à même de se conserver sans aucune difficulté pour toute la durée de l’expédition, contrairement aux vins de Bordeaux. Considérant finalement que ces vins sont vendus à un prix excessif, il renonce et décide de quitter l’île le 16 août pour Tenerife, où il a espoir de trouver du vin de même qualité à un prix certainement moins élevé. L'expédition repart tout de même de Madère avec quatorze tierçons d’eau-de-vie pour les équipages.
- Ép 2 – Deuxième escale : Tenerife
-
💡 Saviez-vous que durant l’expédition, les savants ont permis d’établir avec plus de précision l’altitude d’un sommet des îles Canaries ?
💬 Lors de cette escale à Tenerife destinée à acheter du vin, les scientifiques de l'expédition ont eu le temps de mener des observations et des expériences. Ce terrain de recherche est exceptionnel pour les savants puisqu’il n’est pas possible d’observer de tels phénomènes physiques en Europe.
Après être partis de Madère le 16 août 1785, l’ensemble de l’expédition fait une courte escale dans les Îles Canaries, avant d’effectuer la traversée de l'océan Atlantique et d’arriver aux îles de la Trinité, au large du Venezuela. Après trois jours de mers, la Boussole et l’Astrolabe amarrent à Santa Cruz de Tenerife le 19 août 1785.
Sur place, c’est Emmanuel d’Hermand, Consul de France aux Canaries, qui accompagne Lapérouse pour l’achat de vin et de provisions. C’est auprès de Tomás Cólogan Valois, négociant à Puerto de Ortova, que Lapérouse achète pour chaque bâtiment 60 pipes de vin, soit au total environ 50 000 litres.
La livraison de la marchandise prend du retard, avec un hors-délai de dix jours. Mais pour les scientifiques, ce retard est une véritable aubaine, qui leur permet d’organiser très rapidement une exploration du pic de Teide, connu des marins depuis l’Antiquité. Le 22 août 1785, une longue caravane quitte Santa Cruz de Tenerife afin d’aller observer ce pic volcanique. Elle passe par la ville de Laguna et par les hameaux de La Matanza et La Victoria, pour arriver à Puerto de Orotava. Ils regagnent Santa Cruz le 26 août 1785.
Lors de cette période, les savants embarqués, qui n’avaient jusqu’alors jamais rencontré de tels terrains d’étude, mènent des sciences expérimentales et s’intéressent à de nombreuses questions de physique et de chimie (la cause des variations barométriques, le point d’ébullition de l’eau, l’électricité atmosphérique, et bien d'autres encore). De retour à Tenerife, ils racontent et décrivent leurs observations. Lamanon et Mongez rédigent un communiqué qui sera présenté à l’Académie des sciences le 29 juillet 1786.
De leur côté, Dagelet, Monge, d’Escures et le chevalier d’Arbaud vérifient que les horloges astronomiques fonctionnent. C’est la dernière contribution de Monge à cette expédition. Trop sensible au mal de mer, il rentre en France sur le vaisseau qui doit porter M. Le Consul à Cadix, ce qui, in fine, lui fera échapper au destin tragique de l’expédition. Il emporte à Versailles les lettres, les paquets et les caisses de graines pour le Jardin du Roi.
Le reste de l’équipage reprend alors la mer pour de longues semaines de traversée de l’Atlantique.
Le chevalier de Borda mesurant la hauteur du pic de Teyde. Pierre Ozanne, qui accompagne le chevalier de Borda à Tenerife en 1771. Quelques années avant le voyage de Lapérouse, mais la méthode de Borda fut, il semblerait, réutilisée par Lamanon et Receveur lors de l’escale en 1775, tout en améliorant la qualité des calculs.
- Ép 3 – Troisième escale : Île de la Trinité
-
💡 Saviez-vous que, lors de l’escale, les savants n’ont pas eu l’autorisation de débarquer sur île?
💬 La visite stratégique de l’île de la Trinité, commanditée par Louis XVI, est de courte durée, l’équipage découvre qu’une petite garnison portugaise et des colons ont remplacé la colonie anglaise de l’île. Méfiant, le commandant portugais s’oppose à la visite de l’île par les savants. Lapérouse décide alors de lever l’ancre pour rejoindre l’île de Sainte-Catherine au Sud du Brésil. Durant la navigation, l’équipage est frappé par un orage extrêmement violent qui fascine l’équipage.
Après près d’un mois et demi de mer depuis le départ de Tenerife, l’expédition de Lapérouse accoste sur l’île de la Trinité, au large de la Nouvelle Andalousie (l’actuel Venezuela), le 18 octobre 1785. Il s’agit d’une escale stratégiquement prévue par le roi Louis XVI qui avait chargé Lapérouse de vérifier que l’île avait bien été laissée par les Anglais. Lapérouse pu constater que la colonie anglaise avait bien quitté l’île, mais qu’elle avait été remplacée par une petite garnison portugaise.
Quelques passagers de l’Astrolabe tels que le lieutenant de Vaujuas et les scientifiques Lamartinière et le Père Receveur mettent pied à terre. En revanche, Monneron, depuis l’autre frégate, observe le fort désormais aux mains des Portugais. Il remarque que seule une petite quinzaine de soldats sont en uniforme militaire sur les quelques deux cents qui sont présents. Ces derniers sont vêtus de haillons et de drapeaux déchirés. Les membres de l'expédition tentent une approche envers les locaux, mais le commandant portugais reste méfiant et s’oppose à la visite de l’île par les savants. Ces derniers reçoivent seulement l’autorisation de ramasser quelques pierres et coquillages, comme l’explique le Père Receveur dans une lettre au Père Lacombe (Macao, 3 janvier 1787). Monneron considère que cet établissement ressemble davantage d’un repaire de bandits qu’à d’un poste occupé par des militaires portugais.
Essuyant ce refus de la part des Portugais, l’expédition reprend tout naturellement la mer, en mettant cette fois le cap vers la côte brésilienne. Lapérouse estime qu’il est plus intéressant d’aller à Sainte-Catherine plutôt qu’à Rio de Janeiro puisque, selon lui, les formalités des grandes villes sont une source de pertes de temps très importante, alors que les petites îles présentent le grand avantage d’y trouver des ressources alimentaires en abondance.
Durant les quelques jours de traversée, l’expédition est frappée, le 25 octobre 1785, par un violent orage. Marqué par cet événement, Lamanon demande à Condorcet d’en faire un récit et de le transmettre au physicien Jean-Baptiste Le Roy. Lors de cet évènement, Lamanon décrit avoir vu un ciel tout en feu et avoir aperçu, dès la fin de l’orage, un point lumineux au bout d’un paratonnerre durant près de quinze minutes. Douze jours plus tard, soit le 6 novembre 1785, l’expédition atteint l’île Sainte-Catherine, vers la province de Nossa Senhora do Desterro (Rebaptisée en 1895 Florianopolis).
Vue de l’île Sainte-Catherine, 1792. Duboy-Laverne, P. D.; La Pérouse, Jean-François de Galaup; Milet de Mureau, Louis Marie Antoine Destouff; Mourelle de la Rúa, Francisco Antonio; Pingré, Alexandre Guy. Source : Wikipedia.
- Ép 4 – Quatrième escale : l’escale à Sainte-Catherine
-
💡Connaissez-vous l'île fertile de Sainte-Catherine au Sud du Brésil ?
💬 Le 6 novembre 1785, l'expédition Lapérouse fait une escale sur l'île de Sainte-Catherine, le long de la côte brésilienne. Les deux frégates y stationnent pendant près de treize jours. L’équipage en profite notamment pour faire le plein de vivres à faible coût. Au terme de cette escale, les deux navires partent à la recherche de l'île Grande puis fait route vers la Concepción en passant par le redouté Cap Horn.
Après avoir effectué une escale sur l’Île de la Trinité, au large de l’actuel Venezuela, l’équipage de Lapérouse se dirige, le 18 Octobre 1785, vers l’Ouest afin de trouver l'Île de l’Ascencaon. Les deux navires abandonnent les recherches au bout de six jours et changent de cap en se dirigeant désormais vers l'île de Sainte-Catherine. L'équipage aperçoit l’île le 6 novembre 1785 après avoir traversé une mer et des conditions météorologiques dégradées par de violents orages. Leur arrivée à Sainte-Catherine, le long de la côte brésilienne, est marquée par une brume épaisse. C’est lors d’un dîner chez le gouverneur que Lapérouse apprit que l’île de l’Ascençaon n’existait pas en fait.
Sainte-Catherine forme une bande de terre d’une largeur maximum de 18 kilomètres et d’une longueur de 54 kilomètres, pour une superficie totale de 424 kilomètres carrés. Avec le continent, elle forme deux lagunes où la mer y est très calme. C’est donc à cet endroit que Lapérouse décide de jeter l'ancre, dans un fond de sable vaseux. Mais il entend les canons d’alertes prévenant que leur arrivée intrigue. Lapérouse décide alors d’envoyer un canot avec à son bord un équipier chargé de rassurer les autorités locales. Ces dernières mettent à disposition de l'équipage et au meilleur prix, des vivres et tout le matériel dont l'expédition aurait l’utilité.
En posant pied à terre, l’équipage de Lapérouse décrit un territoire riche en biodiversité, disposant de terres fertiles permettant à la population de vivre quasiment exclusivement des ressources de l'île. Cependant, Lapérouse note que la population est plutôt pauvre et que les ressources de l'île ne sont pas pleinement exploitées.
Les treize jours passés sur cette île où l'équipage a été très bien accueilli, ont permis de faire le plein de vivres et d’envoyer des paquetages au consul de France à Lisbonne. Les deux frégates, conduites par Langle et Lapérouse, reprennent alors leur périple autour du monde en partant à la recherche de l’île Grande découverte deux décennies auparavant par Antoine de La Roche. Après avoir perdu quarante jours dans l’océan à sa recherche, Lapérouse se rapproche le 14 janvier 1786 de la Patagonie, et réalise des premiers relevés géographiques. L’équipage se dirige ensuite vers le détroit le Maire situé entre la Terre de Feu et la Terre des États, et repère la baie du Bon Succès. Cependant, préoccupé de passer la Cap Horn tant que la météo est clémente, Lapérouse ne donne pas l’occasion à ses naturalistes d’examiner la faune et la flore. Une fois le Cap Horn passé, l'expédition se dirige vers l'île de Juan Fernandez au large de Valparaiso. Les vivres commencent alors à manquer grandement, et Lapérouse cherche à rejoindre la Concepción le plus rapidement possible.
Vue de l'Île Sainte-Catherine, Brésil en 1785. 1797. Duché de Vancy. Imprimerie de la République. H 28cm; L 41,5cm. Gravure sur cuivre.
Carte du détroit de Le Maire, 1753, Bellin. H 25cm; L 36cm. Gravure sur cuivre.
- Ép 4 – Cinquième escale : Concepción
-
💡 Saviez-vous qu’un tremblement de terre a détruit Concepción en 1751 ?
💬 Lors de l’arrivée à Concepción, au Chili, les équipages de l'expédition furent extrêmement bien accueillis par les autorités locales, avec plusieurs dîners et bals organisés. Malgré cette ambiance joyeuse et festive, les arrière-pensées et les questionnements dans les deux camps restent bel et bien importants.
Confronté à un manque de nourriture préoccupant, Lapérouse décide de gagner Concepción, abondante en céréales à des prix peu élevés. Ainsi, le 23 février 1786, l’équipage reconnaît les « mamelles de Bio-Bio », montagne à faible altitude dont le nom indique la forme. Les frégates pénètrent dans la baie en passant par la pointe de l’île Quiriquina.
Dès leur arrivée, l’expédition remarque que la ville dont Frézier avait dressé les plans en 1712 a tout bonnement disparu. Les locaux racontent alors que la cause en est un tremblement de terre suivi d’un tsunami réduisant la ville en poussière le 25 mai 1751. 35 ans se sont écoulés avant que l’information ne parvienne en France. La nouvelle Concepción a été reconstruite une dizaine de kilomètres à l’intérieur des terres.
Lors de cette escale, Lapérouse est invité à plusieurs reprises par les officiers espagnols présents sur place. Il rendit la pareille en donnant, ainsi que pour son équipage, une grande fête tout en prenant le soin d’y préparer un feu d’artifice, un bal et l’envol d’un ballon de papier. C’est la première fois que l’on voyait un ballon à air chaud au Chili.
En revanche, l’appréciation de Lapérouse sur la colonie est sévère et sans concession. Il constate tout d’abord que tous les artisans de Concepción sont étrangers, en déduisant que les habitants dédaignent le travail manuel. Le paysage témoigne également, selon lui, d’une certaine richesse avec des vignes, des céréales abondantes, des troupeaux en nombre, et une fertilité importante. Mais il remarque que le commerce local est fermé, avec peu d’acheteurs. De ce fait, pour lui, le royaume du Chili ne peut se développer convenablement.
Malgré l’accueil chaleureux et amical des Espagnols, ces derniers se méfient. Ainsi, quand Lamanon et Mongez demandent l’autorisation d’aller reconnaître le volcan Antuco, ils obtiennent une réponse négative. Les Espagnols considèrent cette expédition comme un danger politique, puisqu’ils craignent que les Français établissent des colonies en remontant vers le nord des Amériques. Pendant que les officiers français et espagnols tentent d’évaluer les intentions des uns et des autres, les naturalistes étudient la forêt primaire de Tumbes. Lamartinière récolte une liane et la fait dessiner par Prévost Oncle. Il s’agit des seuls dessins de plantes qui soient parvenus.
Dès le 14 mars, tout le monde est à bord sauf deux déserteurs, matelots sur l’Astrolabe. Lapérouse ne les fait pas rechercher car il veut des marins enthousiastes et volontaires. Le 17 mars 1786 vers midi, les frégates larguent les amarres et se dirigent vers le nord de l’Amérique, pour atteindre en premier lieu l'île de Pâques, le 8 avril 1786.
Bernizet, Sébastien. Cartographe. Plan de la baie de la Conception située sur la côte Chili. Dressée pour servir au voyage de Lapérouse. Source : Bibliothèque nationale de France.
Costumes des habitants de la ville de la Conception, sur la côte du Chili, lavis à l’encre de Chine, par Gaspard Duché de Vancy. 1785. Source : British Museum.
- Ép 6 – L’île de Pâques
-
💡 Saviez-vous que les indigènes de l'île de Pâques avaient tendance à voler les mouchoirs et chapeaux des européens, ce qui amusait fortement Lapérouse ?
💬 L’exploration de l'île de Pâques constitue sûrement l’une des escales les plus rapides de l’expédition. En effet, les membres de l’expédition n’y restent qu’une dizaine d’heures. Lors de cette escale, ils visitent néanmoins l’île et en apprennent davantage sur la manière dont vivent les “naturels”, comme sont appelés à l’époque les autochtones rencontrés au cours de l’expédition.
Lapérouse et les autres membres de l’expédition arrivent en vue de l’île de Pâques le 8 avril 1786, soit 23 jours après avoir quitté Conception. L'île de Pâques est la première île polynésienne atteinte par l’expédition, et les habitants de l’île sont ainsi les premiers « naturels » (terme utilisé pour nommer les indigènes) qu’ils observent depuis leur départ de Brest.
Avant même d’avoir posé pied à terre, les marins reçoivent la visite des indigènes, qui se montrent confiants et accueillants. Ainsi, peut-on lire dans le livre de bord de Lapérouse : “ils montèrent à bord avec un air riant et une sécurité qui me donnèrent la meilleure opinion de leur caractère. Des hommes plus soupçonneux eussent craint, lorsque nous remîmes à la voile, de se voir enlever et arracher à la terre natale ; mais l'idée d'une perfidie ne parut pas même se présenter à leur esprit : ils étaient au milieu de nous, nus, et sans aucune arme : une simple ficelle autour des reins servait à fixer un paquet d'herbes qui cachait leurs parties naturelles”.
Dans la matinée du 10 avril, Lapérouse et Langle, accompagnés de savants et de quelques officiers, descendent à terre afin d’explorer l'île. Lapérouse organise l’exploration de l'île en deux groupes. L’un accompagne Lapérouse aux abords de la baie de Cook, et l’autre, commandé par Langle, s’enfonce vers l’intérieur de l'île. Bien que cela soit court, les savants font tout de même de belles observations anthropologiques, archéologiques, botaniques et finalement ethnologiques, dont la découverte de mystérieuses statues en pierres volcaniques que Lapérouse qualifiera de bustes informes...
Ce contact avec les naturels surprend les européens dans le sens où ils constatent que ces indigènes ne vivent pas si mal que les récits de Cook ne l’avaient décrit. Rollin, le chirurgien de l’expédition, est même étonné de voir que ce peuple ne souffre pas de famine. Lapérouse note également que les indigènes n’ont pas le même rapport au vol que les européens : il n’y a aucune honte pour eux de recourir à ce genre de pratique, et le commandant s’en amuse même.
Lors de la visite de cette île, les savants - plus précisément les botanistes et jardiniers - sont étonnés de voir que ce peuple vit davantage de la culture que de la pêche. En effet, d’après les propos de Langle, un dixième de l'île serait cultivé, si ce n’est plus. Pour en apprendre davantage sur leur manière de cultiver, Collignon offre des graines apportées d’Europe (du choux, des carottes, des citrouilles, etc.) et les sème avec l’aide des insulaires. Néanmoins, un siècle plus tard, l’américain William J. Thompson ne retrouve aucune trace de ces cultures sur l'île.
Finalement, les chefs de l’expédition estiment que l'île ne présente pas d’intérêt stratégique pour les européens, du fait de sa position reculée, mais aussi du peu de ressources qu’elle recèle. Les navires de l’expédition partent donc de l’île de Pâques le 10 avril 1786 en direction de l’archipel d'Hawaï, distant de presque 4000 nœuds marins, soit plus de 7 300 km, qu’ils atteindront en 5 semaines.
“Insulaires & monuments de l'île de Pâques”, lavis à l’encre de Chine, par Gaspard Duché de Vancy, 1786. Source : Wikipédia
Plan de l'île de Pâques levé en avril 1786 par Nicolas Bernizet.
- Ép 7 – Les Îles Maui
-
💡 Saviez-vous que le capitaine Cook fut tué sur l'île Maui ?
💬 L’escale sur l'île de Maui (dans l’archipel d'Hawaï), est fortement crainte par les équipages du fait de l’expérience tragique qu’a connu le capitaine Cook. L’excursion des marins de l’expédition Lapérouse sur l'île ne dure que 3 heures, durant lesquelles ils font néanmoins de nombreuses observations.
Après le départ de l'île de Pâques le 10 avril 1786, l’expédition arrive le 28 mai sur l’île Maui, dans l’archipel des îles Sandwich (aujourd’hui connues sous le nom de Hawaï). Ces îles furent ainsi nommées par James Cook lors de leur découverte en 1778 et jusqu'à la fondation du royaume d'Hawaï en 1810.
Lors de la traversée pour rejoindre ces îles, les marins pêchent des poissons de la famille des bonites, ce qui contribue à garder l’équipage en bonne santé.
Les îles Hawaï sont déjà connues des navigateurs au temps de l’expédition Lapérouse. En effet, le capitaine Cook est le premier à avoir déterminé la position de ces îles, et à avoir approché et observé les mœurs de ses habitants. Cela lui a d’ailleurs été fatal puisque c’est sur ces îles que le capitaine Cook a été tué en 1779. L’expédition Lapérouse est donc très méfiante à l’idée d’accoster sur ces terres, et c’est Lapérouse lui-même qui s’est proposé de descendre afin de nouer un premier contact avec les indigènes.
Dès que l’ancre est jetée, les indiens débarquent en pirogue afin de commercer avec les européens en proposant des cochons, des bananes, des racines, etc. La facilité de commercer avec eux étonne Lapérouse. Il en déduit donc que ces îles ont dû être visitées par les Espagnols antérieurement.
Ce n’est que le 30 mai 1786 que quatre petites embarcations sont prêtes à descendre sur terre. Sur la plage, de nombreux indigènes les attendent, curieux de connaître le motif de la visite et craintifs à la fois. Lapérouse et ses hommes ne restent à terre que trois heures. Les savants récoltent tout de même de nombreuses plantes pour leurs herbiers et la flottille fait provision de nourriture (cochons, bananes, pommes de terre, taro - un tubercule alimentaire). Lapérouse emporte également des étoffes réalisées avec l’écorce du mûrier à papier, des nattes, une pirogue à balancier et différents petits meubles en plumes et en coquilles.
Lors de cette courte escale, Rollin, le chirurgien-major de l’expédition, fait le constat que la population insulaire est marquée par les ravages considérables de maladies et s’interroge sur à la possibilité que des voyageurs précédents aient pu les introduire.
Bien qu’ayant été le premier Européen à poser le pied sur Maui, Lapérouse n’a pas pris possession de l’île au nom du roi Louis XVI « Quoique les Français soient les premiers qui, dans ces derniers temps eussent abordé sur l’île de Mowée, je ne pris pas possession de cette île au nom du Roi. Les usages des Européens à cet égard sont trop complètement ridicules . »
Lapérouse décide alors de partir explorer la côte nord-ouest de l’Amérique, non pas en faisant route du sud vers le nord, mais en redescendant vers Monterey. Après quelques semaines de navigation, l’expédition arrive au Port-des-Français (Lituya Bay-Alaska aujourd’hui) le 3 juillet 1786.
“Vue du mouillage des frégates françaises à l’île Mowée”, lavis de François-Michel Blondela, 1786. Source: Bibliothèque nationale de France
Cartographie des îles du Pacifique, dans “Voyage de La Pérouse autour du monde” publié le 22 avril 1791. Source: Wikipédia
- Ép 8 – L'escale à Lituya Bay
-
💡Saviez-vous que Lapérouse a essuyé un important revers en 1786, en Alaska ?
💬 En juillet 1786, les deux frégates de l'expédition Lapérouse arrivent en Alaska à Lituya bay, que le marins nomment Port-des-Français. Dès leur arrivée, les navires sont sous bonne escorte des autochtones et de leurs pirogues. Lapérouse fait installer un camp d’observation sur l'île située au milieu de la baie. Cette baie propose de nombreux avantages pour l'équipage qui en profite pour faire le plein de bois et d’eau claire. Cependant cette escale va marquer un tournant tragique pour l'expédition, avec les premiers décès à déplorer.
Après sa très courte escale dans les îles hawaïennes, Lapérouse fait route vers le nord jusqu’en Alaska. Les deux frégates posent les ancres le 2 juillet 1786 à Lituya Bay, baie que Lapérouse nomme alors “Port-des-Français”.
Après leur entrée dans ce fjord entouré de glaciers, les marins peuvent profiter d’une baie très calme aux intérêts indéniables pour les deux frégates : un fond assez important et vaseux permettant un bon arrimage des bateaux, de l’eau claire en abondance apportée par des cascades en provenance des glaciers, ainsi que du bois flotté présent en masse le long des rivages de cette baie.
Dès leur entrée dans cette baie, les deux navires sont escortés par des pirogues d’indigènes tentant de commercer avec l’équipage, proposant notamment des peaux de loutres contre du fer. Lapérouse note que ces “sauvages” sont très accoutumés au commerce ainsi qu’au passage de navires ; il loue d’ailleurs leurs capacités de négociation.
Lapérouse décide d’implanter le camp sur l'île située au milieu de la baie ; il explique ce choix notamment par le fait que les autochtones tentent régulièrement de voler du matériel aux Français. Les indiens Tlingits proposent à Lapérouse d’acheter cette île contre des draps rouges et du fer. Fait intéressant, cet élément marquant de l’histoire des Tlinglits se transmet oralement deux siècles durant, de chaman en chaman.
L’île constitue aussi un site stratégique pour se défendre contre d’éventuels pirates de passage ; Lapérouse y fait donc ancrer solidement les canons. Cependant, malgré les gardes que réalisent jour et nuit les marins français, les locaux réussissent à subtiliser quelques objets aux navigateurs français. Ce comportement des locaux poussera d’ailleurs Lapérouse à précipiter la levée du camp.
Durant son séjour d’une dizaine de jours dans cette baie, Lapérouse souhaite néanmoins effectuer des relevés des rivages voisins. Le commandant de l'expédition envoie deux biscayennes (des petits bateaux à rames) et un canot pour effectuer le relevé hydrographique de la baie. L’opération est risquée ; Lapérouse s’applique alors à mettre en garde ses hommes, dont Charles Gabriel Morel d'Escures (1751 – 1786), commandant ces trois embarcations. Les trois équipages partent le 13 juillet 1786 au petit matin afin d’avoir une marée favorable. Quatre heures plus tard, le canot commandé par Monsieur Boutin revient vers la Boussole et annonce que les deux biscayennes ont chaviré dans le courant, entraînant en tout 21 marins français (dont Morel d'Escures).
Cette étape à la baie de Port-des-Français marque alors un tournant dans l'expédition. En effet, Louis XVI avait demandé à Lapérouse de revenir en France si possible en n’ayant perdu aucun homme. Cela n’est donc plus possible, assez tôt dans le périple ; cet épisode tragique – le premier de l’expédition – marque Lapérouse, qui l’indique dans son journal de bord.
Le naufrage des canots du Comte de Lapérouse à Port-des-Français en Alaska 1806. Louis-Philippe Crépin. H 56 cm; L 73 cm.
Plan du Port des Français sur la côte du Nord-Ouest de l'Amérique, par 58° 37' de latitude nord et 139° 50' de longitude occidentale découvert le 2 juillet 1786, par les frégates françaises la Boussole et l'Astrolabe. 1797. Imprimerie de la République. H 50cm; L 69cm. Bibliothèque Nationale de France.
Vue d'un établissement des habitants du Port Des Français pour la saison de la pêche. 1792. Blondela.
- Ép 9 – L’escale dans la baie de Monterey en Californie
-
💡 Saviez-vous que des plantes ont fleuri au Jardin du Roi à Versailles grâce aux graines recueillies pendant l’expédition Lapérouse à Monterey (Californie) ?
💬 Après la tragédie au Port-des-Français, l’expédition se rend bien plus au Sud à Monterey, dans la colonie espagnole de Nouvelle-Espagne. Cette escale de dix jours s’avère fructueuse pour les recherches des scientifiques, et en particulier des naturalistes. Malgré des relations cordiales et un bon accueil, Lapérouse se méfie de la curiosité des Espagnols.
Après la terrible mésaventure au Port-des-Français, Lapérouse renonce à explorer davantage la côte de l’Amérique septentrionale de l’actuelle Alaska et décide, le 30 juillet 1786, de mettre le cap vers le Sud en Nouvelle-Espagne avant la grande traversée du Pacifique. Après un mois et demi de navigation, l’équipage des deux navires fait escale en Californie, dans la baie de Monterey. Ils y accostent le 14 septembre et sont les premiers français à débarquer sur les terres de cette colonie espagnole. Les savants de l’expédition ont alors le temps de dessiner les éléments topographiques de ce littoral non exploré par Cook et ses marins.
Robert de Lamanon, botaniste, physicien et météorologue, décrit un fort plutôt mal construit (connu sous le nom de Presidio de Monterey) qui ressemble davantage à quatre murs protégeant la maison d’un gouverneur et de quelques soldats. Pour l’astronome Joseph Lepaute Dagelet, leur arrivée est très bien perçue par les Espagnols présents sur place, qui manquaient selon lui de relations « civilisées ». Lapérouse s’attache à expliquer le partage des tâches au sein de la population indigène locale et les brimades subies de la part des colons. Le chirurgien Claude Nicolas Rollin entreprend la rédaction des mémoires au sujet des indiens Mémoire physiologique et pathologique sur les américains et en fait une description extrêmement détaillée. Ses travaux deviendront la base de l’anthropologie californienne.
Les botanistes et biologistes tirent aussi profit de cette escale dans ce territoire qu’ils considèrent comme très fertile, notamment en observant bon nombre d’animaux, principalement les oiseaux autochtones, et de plantes. Joseph Hugue de Boissieu de La Martinière se penche sur l’étude des insectes marins (parasites), qu’il observe sur différentes espèces de poissons. Jean Nicolas Collignon dresse également une liste conséquente d’espèces d’arbres et fait expédier des graines lors de l’escale suivante à Macao, qui seront plantées au Jardins du Roi à Versailles.
Durant leur séjour, les Français reçoivent un accueil très amical des Espagnols, mais se méfient tout de même de ces hôtes qui cherchent à obtenir le maximum de renseignements sur l’expédition. Lapérouse a la présence d’esprit de ne pas dévoiler l’entièreté de ses missions, évitant ainsi que les Espagnols n’en informent les hautes instances à Madrid. Finalement, après dix jours d'escale, l’expédition reprend son chemin le 24 septembre 1786 grâce à des vents favorables et navigue vers la prochaine escale, Macao.
Réception du comte de Lapérouse, plume et aquarelle. Le Duché de Vancy 1786
Le Presidio de Monterey, dessin de José Cardero, 1791.
Perdrix mâle et femelle de la Californie septentrionale. Gouache de Prévost le jeune, 1786.
- Ép 10 – L’escale à Macao
-
💡 Savez-vous que Lapérouse a, pour la première fois à Macao, rencontré des Français durant son expédition ?
💬 Le 3 janvier 1787, après plus de trois mois de navigation à travers le Pacifique, la Boussole et l’Astrolabe mouillent dans la Baie de Macao, comptoir portugais. Les membres de l'expédition, fatigués par ce long voyage, y sont très bien reçus et croisent de nombreux navires européens. Les premiers résultats et comptes rendus de l'expédition sont alors acheminés en France.
Après leur escale à Monterey et leur passage par les îles Mariannes, décrites comme inhospitalières et sur lesquelles ils n’ont pas vraiment réussi à mouiller, puis au large des îles Philippines, les deux frégates approchent de la Chine et de Macao où Lapérouse souhaite faire escale.
Comme à l’accoutumée, Lapérouse envoie un canot, commandé par Charles-Marie Fantin de Boutin. Il est chargé de prévenir le gouverneur portugais de Macao de l’arrivée des deux frégates. Bernardo Alexis de Lémos va tout mettre en œuvre pour aider les Français,
àen envoyant sur le champ un pilote qui devait les guider. les deux frégates mouillent dans la rade du Typa le 3 janvier 1787.A Macao, Lapérouse se réjouit de rencontrer, pour la première fois depuis leur départ de Brest, d’autres navires français (compatriotes, camarades et connaissances) qui mouillent également dans la baie pour des raisons commerciales (protection du commerce français en mer de Chine). Lapérouse décide de s’établir plusieurs semaines à Macao pour mener à bien quelques relevés scientifiques. Il obtient la permission du gouverneur portugais de dresser un observatoire à terre. Il décrit Macao comme une zone tendue où deux mondes cohabitent : un premier européen et occidental symbolisé par les quartiers portugais, et un autre asiatique. Le quartier portugais est dépeint comme résidentiel, arboré et disposant de grandes villas, tandis que le second se compose de petites ruelles très animées, notamment par des marchés, avec une forte concentration de population.
Lors de cette escale de plus d’un mois, l’équipage est victime d’un climat froid et très irrégulier, faisant varier les températures de plusieurs degrés d’un jour à l’autre, ce qui provoque rhumes et fortes fièvres fragilisant une bonne partie des membres de l’expédition.
Le naturaliste Jean-Nicolas Dufresne est débarqué à Macao le 1er février, avec pour mission de rapporter en France plusieurs paquets contenant les comptes rendus scientifiques, cartes et dessins, des belles peaux de loutre ainsi que le journal de Lapérouse sur la première partie de l’expédition, ce qui lui permettra d’échapper à la fin tragique de Vanikoro. À son retour en France, il est l’un des rares acteurs et témoins privilégiés à pouvoir raconter de l’intérieur le périple autour du monde.
Lapérouse lève l’ancre pour Manille le 5 février et renonce à utiliser les services d’un pilote, voulant s’épargner de cette dépense qui est assez considérable, et suit la route classique au lieu d’une route entre les îles, plus directe, qui lui aurait fait gagner du temps.
Le port de Macao en 1787, au moment du passage de l'expédition de La Pérouse, Duché de Vancy, dans Atlas du voyage de Lapérouse, 1797, Milet-Mureau, Louis Antoine Destouff (Wikipédia)
Débarcadère de Macao et Temple d'A-Ma - Chine. 1860. Grandsire et Charles Maurand. l 22 cm; h 30 cm. Gravure sur bois.
- Ép 11 – L’escale dans la baie de Manille
-
💡 Saviez-vous que Lapérouse a pu faire passer des courriers en France depuis Manille ?
💬 Après une escale à Macao, suivie d’un court arrêt à Marivelle (Mariveles), les deux frégates de Lapérouse font escale à Cavite dans la baie de Manille aux Philippines. L’équipage
Les deux frégates de l'expédition Lapérouse se dirigent vers le sud et notamment en direction des Philippines. Avant d’atteindre leur but, près de trois semaines après avoir quitté Macao, les équipages réalisent une courte escale de vingt-quatre heures le 24 février 1787 à Marivelle, pour attendre des vents plus favorables et faire le plein de bois. Lapérouse en profite pour visiter le village constitué d’une quarantaine de maisons construites en bambou
set couvertes de feuilles, accessibles par une échelle, qui lui font penser à des cages d’oiseaux. L’arrivée dans la baie de Manille a lieu le 28 février.Lapérouse décide de mouiller dans le port de Cavite, une petite presqu'île située dans la baie de Manille, le long des côtes Philippines. Dès leur arrivée, ils sont accueillis par un officier espagnol de la part du commandant de Cavite. Ce dernier vient indiquer aux équipages de ne pas communiquer avec la terre jusqu’à l’arrivée des ordres du gouverneur général. Quelques heures plus tard, c’est le commandant de la baie qui arrive auprès des deux bâtiments français. Ce dernier embarque avec lui M. Boutin pour aller rendre compte de leur arrivée au gouvernement général qui, quelque temps plus tard, autorise le mouillage des deux navires et fait également en sorte que les Français disposent de tout ce dont ils ont besoin.
Deux jours après leur arrivée, Lapérouse, accompagné de son second Paul Fleuriot de Langle, se dirige vers Manille. Ils sont également accompagnés d’officiers et de soldats pour contrer d'éventuelles attaques de Mores sur le trajet. Arrivés à Manille, ils se livrent à une journée de visite auprès des officiels de la ville. Ils y rencontrent alors le gouverneur, l’intendant, l'archevêque mais aussi les oïdors (Juges) de Manille.
Sur place, Lapérouse décrit les Philippines comme un territoire riche en ressources végétales et animales. Il note cependant leur mauvaise gestion, qui, selon lui, aurait pu être bien meilleure si elle avait été effectuée par une grande puissance colonisatrice qui pourrait transformer l'île en un espace très développé. Il reproche le manque de liberté à Manille en raison des inquisiteurs et des moines qui surveillent la conscience, des oïdors les affaires particulières et le gouvernement les démarches les plus innocentes. C’est donc pour lui certainement « Le plus beau et le plus ravissant pays de l’univers est certainement le dernier qu’un homme libre voudrait habiter ».
Peu avant le départ de la baie de Manille, le 25 mars, l’officier Jean-Baptiste d'Aigremont meurt de dysenterie après plusieurs jours d’une longue agonie et est enterré à Cavite. Puis le 28 mars, soit un mois après leur arrivée, les équipages de Lapérouse croisent par chance deux autres navires français. Lapérouse en profite alors pour transmettre des lettres à faire parvenir en France. Dans le même temps l’équipage se voit renforcé de huit marins et de deux officiers, M. Le Gobien et M. Guyet. Les deux frégates lèvent finalement l’ancre le 9 avril le lundi de Pâques 1787, prennent la direction du Nord pour rejoindre la côte de Tartarie et mettent le cap sur Formose.
Vue de Cavite dans la baie de Manille, Duché de Vancy, dans Atlas du voyage de Lapérouse, 1797, Milet-Mureau, Louis Antoine Destouff (Gallica, BNF).
Costume des habitants de Manille, Duché de Vancy, dans Atlas du voyage de Lapérouse, 1797, Milet-Mureau, Louis Antoine Destouff (Abuledu Data).
- Ép 12 – Les escales sur la côte de Tartarie
-
💡 Saviez-vous que Lapérouse s’est aventuré sur la seule partie du globe qui avait échappé à l’activité infatigable du capitaine Cook ?
💬 Après avoir quitté Manille et les Philippines, la Boussole et l’Astrolabe font route vers les mers froides du nord en longeant les rivages chinois, où Lapérouse croise une impressionnante flotte militaire chinoise, puis les rivages coréens et japonais. Ils réalisent durant quatre mois de navigation plusieurs courtes escales sur cette façade Pacifique de l’Asie sur la côte de Tartarie, jusqu’à la côte de Sakhaline et la Baie de Castries.
Après 41 jours d’escale à Manille, les deux équipages larguent les amarres le lundi de Pâques, le 9 avril 1787 et mettent le cap vers les mers froides du nord. Lapérouse est pressé par le temps car il sait qu’à partir de la mi-septembre, les glaces risquent de prendre au piège les deux frégates à proximité de la Sibérie orientale. Il s’agit d’un des trajets les plus risqués sur des mers peu sûres où les navigateurs s’aventurent rarement. Rattrapés par les gros temps liés à la mousson, Lapérouse s’engage dans le canal étroit qui sépare Formose de la Chine et mouille le 26 avril à l’Ouest de la baie de l’ancien fort de Zélande, où se trouve la ville de Tayoan. Ils y croisent une armée de 20 000 chinois venue mater une révolte en cours à Formose, ce qui impressionne Lapérouse : « Il ne nous fut pas possible de compter tous les bâtiments, plusieurs étaient à la voile, d’autres mouillés en pleine côte, et l’on en voyait une très grande quantité dans la rivière ». Les deux frégates lèvent l’ancre le lendemain et longent la côte orientale de Formose.
Pour traverser une mer très agitée et plusieurs jours de brumes épaisses, Lapérouse navigue à l’aide de cartes établies par les Chinois et diffusées par les missionnaires jésuites Les frégates poursuivent ainsi leur route vers la Corée. Le pays est fermé, tout contact avec les habitants est interdit, ils en suivent la côte qu’ils se contentent d’admirer à distances à l’aide de lunettes et qui est bien moins connue que la côte japonaise. Ils naviguent ensuite vers la côte de Tartarie où le capitaine Cook ne s’était jamais aventuré. Les marins ont pleinement conscience d’inaugurer une zone inconnue, une terre vierge pour les Européens et Lapérouse en profite pour laisser en Extrême-Orient de nombreux toponymes français. Le 23 juin, ils mouillent l’ancre dans une baie que Lapérouse baptise « baie de Ternay » en l’honneur de son tuteur et ami. Ils ne rencontrent aucun habitant, mais découvrent un tombeau tartare au bord d’un ruisseau contenant les dépouilles de deux personnes recouvertes d’une peau d’ours et de nombreux bijoux et objets.
Ils repartent vers le nord le 27 juin en longeant la côte, pêchent plus de 800 morues qui sont salées et mises en barriques, puis font escale le 4 juillet dans une baie que Lapérouse nomme « baie de Suffren ». Ils repartent dès le lendemain et le 12 juillet, accostent dans une baie qu’ils baptisent « baie de Langle », du nom du commandant de l’Astrolabe qui y avait accosté en premier. Ils y font la connaissance d’indigènes, des Aïnous, qui leurs expliquent, avec des gestes et des dessins sur le sable, la géographie de la Tartarie. L’expédition appareille dans le brouillard dès le 14 juillet, cap au nord, et mouille le 19 juillet dans une petite baie que Lapérouse nomme « baie d’Estaing ». Les équipages y rencontrent des indigènes et des Mandchous venus commercer avec eux, puis repartent le lendemain. Le 28 juillet, ils mouillent l’ancre dans une baie que Lapérouse nomme « baie de Castries », du nom du ministre de la Marine. Ils ne restent sur place que cinq jours, le temps de se réapprovisionner en bois, en eau et d’échanger avec les indigènes, les Orotchis. Les savants de l’expédition profitent de ces courtes escales pour mener de nombreuses recherches géographiques, botaniques, astronomiques et même anthropologiques. Mais face à la menace du scorbut qui guette certains membres de l’équipage, les frégatent mettent rapidement le cap vers les îles Kouriles et le Kamtchatka.
Plan de la Baie de Castries, d’après Sébastien Bernizet (Gallica, BNF)
Carte des découvertes faites par les frégates du Roi La Boussole et L’Astrolabe, depuis le départ de Manille jusqu’au Kamtchatka, 1787, 2è feuille, Gravure d’après Sébastien Bernizet (Gallica, BNF).
-
Ép.13 - L’escale à Petropavlovsk (Kamtchatka, Russie)
-
💡Saviez-vous qu’une grande partie des résultats de l'expédition Lapérouse a été acheminée depuis la Russie vers France par voie terrestre ?
💬 Le 7 Septembre 1787, Lapérouse et l’ensemble de son équipage font escale à Saint-Pierre-et-Saint-Paul aujourd’hui Petropavlovsk (Kamtchatka), en Russie. Cette étape met fin aux longues semaines de navigation que viennent de vivre les marins. Elle permet également de refaire le plein de vivres, d’avoir des nouvelles de France mais aussi et surtout d’envoyer un nouveau lot de résultats scientifiques vers la France.
Si chaque escale de l’expédition Lapérouse revêt évidemment un intérêt, celle de Petropavlosk est peut-être tout de même bien particulière.
C’est le 7 Septembre 1787 que Lapérouse et ses hommes arrivent à Petropavlosk, ou Saint-Pierre-et-Saint-Paul, dans la baie d'Avatcha. Lapérouse écrit à son propos : « La baie d’Avatcha est la plus belle, la plus commode, la plus sûre qu’il soit possible de rencontrer dans aucune partie du monde ». En effet, à l’abri des rigueurs du Pacifique et au pied de deux volcans de plus de 3000 mètres, elle constitue un véritable écrin de sécurité pour les marins, après plusieurs semaines de navigation.
Une fois encore, les membres de l’expédition sont très favorablement accueillis par les habitants de ce village Saint-Pierre-et-Saint-Paul qui compte une centaine d’habitants répartis dans une quarantaine d’habitations.
Au-delà des activités des scientifiques et des aspects logistiques, cette étape est surtout marquée par la réception de courrier provenant de France, ainsi que la transmission de documents à destination de Versailles.
En effet, plus de deux ans après le départ de l’expédition (26 mois!), arrive une malle de courrier transmise vers les confins de l’est de la Russie par l’ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, Les nouvelles sont bonnes ; les marins sont évidemment ravis de recevoir des nouvelles parfois un peu datées – le courrier le plus récent est du 15 décembre 1786 – mais néanmoins positives de leurs proches. C’est aussi l’occasion pour Lapérouse d’apprendre qu’il a été nommé chef d’escadre le 2 novembre 1786. Le ministre de la Marine demande à Lapérouse de rejoindre la Nouvelle-Galles-du-Sud (Australie), où les informateurs ont indiqué que les Anglais prévoient d’installer une colonie pénitentiaire. Dans sa réponse, Lapérouse indique qu’il fera une halte particulière à Botany Bay, désormais célèbre… Mais nous y reviendrons !
Au-delà du courrier reçu, Lapérouse profite également de cette escale pour renvoyer Barthélémy de Lesseps vers la France, en lui confiant la seconde partie du journal de bord, des cartes et des dessins réalisés durant l’expédition. Ces résultats sont expédiés par voie terrestre, le transport est effectué notamment en traîneaux tirés par des chiens ou des rennes. Lesseps, qui doit affronter des conditions météorologiques extrêmes (parfois jusqu’à -40°C), est l’un de très rares voyageurs occidentaux de l’époque à avoir traversé de part en part les immensités sibériennes. Après 13 mois et 16 000 kms, il rejoint Versailles où il sera présenté à Louis XVI le 17 octobre 1788. Louis XVI fera d’ailleurs éditer le récit de ce périple.
Au terme de cette étape, les deux navires de l’expédition Lapérouse quittent Saint-Pierre-et-Saint-Paul Petropavlovsk le 29 septembre 1787 et se dirigent vers le sud pour poursuivre leur périple et rejoindre l’île de Tutuila.
Vue de Saint-Pierre et Saint-Paul au Kamtchatka, 1787, Duché de Vancy, dans Atlas du voyage de Lapérouse, 1787, Milet-Mureau, Louis Antoine Destouff, (Gallica, BNF).
- Ép.14 - L’escale à l'île de Tutuila
-
💡 Saviez-vous que c’est à Tutuila que Lapérouse a essuyé l’un de ses plus gros revers ?
💬 Le 9 décembre 1787, les deux navires conduits par Lapérouse parviennent aux abords de l’île de Tutuila, dans l’archipel des Samoa. L’objectif de cette escale est de refaire les réserves en vivres frais, notamment d’eau. Or, les insulaires, qui paraissaient au premier abord plutôt accueillants, dévoilent finalement une tout autre facette...
Au terme de plusieurs semaines de navigation, le 8 décembre 1787, les deux frégates dirigées par Lapérouse sont en approche de l’île de Tutuila (que Lapérouse nomme Maouna), située dans l’archipel des Samoa, au beau milieu de l’Océan Pacifique.
L’escale prévue doit notamment servir à refaire le plein d’eau et de vivres frais, mais a aussi pour objectif de permettre aux marins de se remettre des deux mois de navigation qu’ils viennent de subir.
Lors de cette approche, Lapérouse décrit l'île comme paraissant accueillante, avec une végétation luxuriante composée de cocotiers abritant les habitations présentes le long de la côte. Au-delà de ces aspects généraux, les insulaires semblent plutôt paisibles, faisant notamment des signes amicaux aux deux navires.
Afin de reconnaître les lieux, Paul Fleuriot de Langle est envoyé pour explorer la côte avec quelques hommes. Les Français reçoivent là encore des signes amicaux de la part des insulaires et décrivent même un comportement plutôt aguicheur de la part de la gent féminine locale… Après un premier ravitaillement en eau, de Langle repère une deuxième anse parfaitement adaptée où coule une cascade pour une ultime corvée d’eau.
De nombreuses pirogues tournent régulièrement autour des deux navires dans le but de faire du commerce, proposant notamment des cochons et des fruits qu’ils échangent contre de la verroterie.
Selon Lapérouse, « ces insulaires sont les plus heureux habitants de la Terre. Ils passent leurs jours dans l’oisiveté, entourés de leurs femmes, et n’ayant soin que celui de se parer, d’élever des oiseaux et, comme le premier homme, de cueillir les fruits qui croissent sur leur tête sans aucun travail ».
Mais dès les premières heures de leur présence, des altercations ont lieu avec ces hommes à la carrure et à la condition physique impressionnantes, Lapérouse fait jeter par dessus bord un insulaire qui avait frappé plusieurs matelots. Pour essayer de les impressionner, Lapérouse fait acheter trois pigeons qui furent lancés en l’air et tués à coup de fusil devant l’assemblée »,ce qui semble leur avoir inspiré quelques craintes.
Mais, alors que les réserves d’eau sont déjà faites, de Langle insiste avec la plus grande force auprès de Lapérouse pour effectuer une dernière mission d’approvisionnement. Les deux hommes ne sont pas d’accord, Lapérouse objecte la turbulence des insulaires et un mouillage dangereux, mais Lapérouse s’incline, certains marins commençant à souffrir du scorbut et son ami insistant pour retourner dans cette crique paradisiaque qu’il a repérée précédemment.
Cependant, les conditions de navigation sont bien moins propices, lorsque de Langle, à la tête d’un détachement d’une soixantaine d’hommes (dont six soldats armés) arrive le lendemain dans cette crique à marée basse et pleine de coraux affleurant. Les canots, chargés de barriques pleines d’eau, devront donc attendre le milieu d’après-midi et la marée haute pour repartir vers les navires.
Cette ultime corvée d’eau va finalement devenir dramatique : au moment du départ, les Français font face à plusieurs centaines d’insulaires (1500 à 1800 personnes, selon les rescapés) devenus agressifs et se mettant à attaquer les marins en leur lançant des pierres et les massacrant à coup de massue. Le bilan de cette attaque est lourd : pas moins de douze morts, dont le savant Lamanon mais surtout, Lapérouse perd l’un de ses plus fidèles compagnons et commandant de l’Astrolabe de Langle.
Néanmoins, fidèle aux ordres du roi, et n’écoutant que sa conscience, Lapérouse se refuse à de quelconques représailles et fait uniquement tirer des coups de canons à blanc afin de montrer son mécontentement et éloigner les pirogues des deux frégates.
Le départ de l'île de Tutuila est rapidement acté et les deux bâtiments battant pavillon français partent vers le sud-est, en direction de l’Australie, et plus précisément de Botany Bay.
« Massacre de MM De Langle, Lamanon et de dix autres individus des deux équipages » - dessin de Nicolas Ozanne, gravure par Dequevauviller.
- Ép.15 - La dernière escale à Botany Bay
-
💡Saviez-vous que Botany Bay, en Australie, constitue la dernière étape documentée de l’expédition avant sa disparition ?
💬 Le 24 Janvier 1788, après plusieurs semaines de navigation, Lapérouse et son équipage sont en vue de Botany Bay. Cette baie – « baie de la botanique », en anglais – doit son nom, à James Cook qui l’avait identifiée ainsi du fait de sa végétation resplendissante. Les Français y restent jusqu’au 10 mars 1788, appareillant alors en direction des îles Tonga et de la Nouvelle-Calédonie...
À Petropavlovsk, Lapérouse avait reçu l’ordre du Ministre de la Marine de prévoir une escale à Botany Bay qui n’était pas prévue dans l’itinéraire initial. Les Anglais avaient pour projet d’y fonder une colonie pénitentiaire, selon les renseignements reçus en France. Après plusieurs semaines de navigation, les deux bâtiments français aperçoivent enfin leur destination le 24 janvier 1788.
Des navires anglais sont également présents dans la zone, mais Lapérouse ne cache pas sa joie de rencontrer ces marins ayant eux aussi traversé les mers ; ainsi écrit-il dans son journal : « Des Européens sont toujours compatriotes, à une aussi prodigieuse distance, et nous avions la plus vive impatience de gagner le mouillage ».
La flottille anglaise, acheminant plus de 700 convicts (détenus condamnés à la déportation), est placée sous le commandement d’Arthur Phillip. Celui-ci, déçu de Botany Bay car trop exposé aux vents, est finalement séduit par la baie de Port Jackson, emplacement de la future Sydney, à quelques encablures plus au nord, où le reste de la flottille le rejoindra plus tard. C’est là, face à une crique qu’il baptise Sydney Cove, que sera installée la nouvelle colonie britannique.
Lapérouse, quant à lui, jette l’ancre le 26 janvier à Botany Bay, qui doit son nom à James Cook, lequel avait identifié ainsi cette baie du fait de sa végétation resplendissante.
Anglais et Français entretiennent pendant le séjour à Botany Bay des relations courtoises. Si Lapérouse échange avec son homologue anglais par messagers interposés, les équipages, marins et scientifiques, se rendent régulièrement visite. Lapérouse profite d’ailleurs de ces bonnes relations entre matelots pour récupérer des informations sur l’établissement de la colonie pénitentiaire.
Lapérouse œuvre aussi pour que ses matelots bénéficient de conditions de vie reposantes et saines : les équipages sont marqués par deux ans et demi passés en mer ainsi que par le massacre de Tutuila, toujours présent dans les esprits. Par ailleurs, certains présentent les premiers signes de scorbut.
Dans le camps des Français, protégé par des palissades et des canons, Jean-Nicolas Collignon, le jardinier-voyageur du roi, établi un jardin qui sera par la suite conservé par les Anglais et connu sous le nom de « Jardin français ». Par ailleurs, l’astronome français Lepaute-Dagelet et son homologue britannique de la First Fleet William Dawes sympathisent et collaborent régulièrement.
Ces six semaines passées à Botany Bay sont également l’occasion pour les Français d’écrire quelques courriers que les Anglais acceptent d’acheminer vers Londres, où ils seront récupérés par l’ambassadeur de France. C’est ainsi que la dernière partie du Journal de bord de Lapérouse fut transmise et sauvée. Dans une lettre en date du 7 février, Lapérouse écrit à son ami Lecouteulx de La Noraye : « Tu me prendras à mon retour pour un vieillard de cent ans : je n’ai plus ni dents ni cheveux et je crois que je ne tarderai pas à radoter… Adieu jusqu’au mois de juin 1789, dis à ma femme qu’elle me prendra pour mon grand-père ».
Le 17 février, les Français enterrent à Botany Bay le père Receveur, qui a succombé aux suites des blessures reçues lors du massacre de Tutuila, dont il était l’un des rescapés.
Le 10 mars 1788, Lapérouse et ses hommes appareillent en direction des îles Tonga et de la Nouvelle-Calédonie…
Notons que c’est à proximité immédiate de Botany Bay, à Randwick (district de Sydney), que se situe aujourd’hui le Laperouse Museum, créé en 1988, la même année que celui d’Albi. Ce point commun est à l’origine du jumelage qui unit encore aujourd’hui les deux villes.
Botany Bay, Robert Cleveley, 1789, gravure en couleurs.
- Ép.16 - Vanikoro, la fin d’un voyage d’exploration autour du monde
-
💡 Vanikoro, une île liée à tout jamais au destin tragique de l’expédition Lapérouse…
💬 Après leur escale à Botany Bay, en Australie, Lapérouse et ses hommes prennent la direction des îles Santa Cruz. En chemin, les deux frégates font une courte escale en Nouvelle-Calédonie, avant de reprendre la mer. Mais les deux navires échouent ensuite, en mai ou juin 1788, à Vanikoro, petite île volcanique entourée d’une barrière de corail. Ce n’est que bien plus tard, en 1826, que le lien sera fait entre Vanikoro et le naufrage de Lapérouse, grâce à l’Irlandais Peter Dillon. Et depuis lors, le nom de cette île est étroitement lié à la fin de l’expédition Lapérouse et au mystère qui l’entoure encore aujourd’hui...
A la suite de leur escale à Botany Bay, en Australie, les deux frégates font route vers les îles Santa Cruz, dans l’archipel des îles Salomon, au beau milieu de l’Océan Pacifique. Comme il l’avait indiqué dans ses écrits transmis lors de l’escale à Botany Bay, Lapérouse devait explorer et cartographier la partie méridionale et la côte ouest de la Nouvelle-Calédonie. Il est alors l’un des premiers navigateurs européens à passer par la Nouvelle-Calédonie, près de 14 ans après Cook (en 1774) et 5 ans avant d’Entrecasteaux (en 1793), venu à sa recherche.
Les scientifiques ont sûrement profité de la halte en Nouvelle-Calédonie pour effectuer des prélèvements (des dolérites) qui furent pour partie retrouvés dans l’épave de la Boussole. Un graphomètre signé Lennel daté de 1781 et une épée française du XVIIIe siècle furent aussi retrouvés en Nouvelle-Calédonie.
Suite à l’escale en Nouvelle-Calédonie, les deux navires reprennent probablement leur route vers les Îles Santa-Cruz. Mais après trois années d’expédition, les hommes, le matériel et les deux navires sont usés. Les Britanniques rencontrés à Botany Bay ont d’ailleurs fait état de plusieurs cas de scorbut dans l’équipage de Lapérouse. Et c’est la fin de l’été austral : de nombreuses dépressions tropicales et de redoutables cyclones se forment à cette période. Des vents violents d’ouest accompagnés de fortes intempéries malmènent les deux frégates.
C’est donc en mai ou juin 1788 que la Boussole et l’Astrolabe sont en approche de Vanikoro à 2 000 kilomètres au nord de la Nouvelle-Calédonie. Les différentes expéditions menées depuis le XIXe s. sur les traces de Lapérouse ont permis d’identifier les lieux où ont échoué et sombré les deux frégates (l’Irlandais Peter Dillon fut le premier à découvrir des débris sur les récifs de l’île en 1827) et de mieux comprendre les derniers instants de l’expédition, en particulier grâce aux minutieuses recherches menées depuis les années 1980 par Alain Conan et l’association Salomon sur les débris et dans les archives.
Il a fallu attendre 215 ans et la découverte d’un sextant signé Mercier lors des fouilles menées en 2003 dans une faille pour identifier formellement la Boussole et, par déduction, que les restes de l’autre frégate retrouvés dans la fausse passe sont ceux de l’Astrolabe, permettant de reconstituer les derniers instants grâce à tous les objets retrouvés. L’Astrolabe, qui navigue en tête, repère des brisants et tente d’avertir du danger la Boussole en tirant des coups de canon à blanc. Moins facile à manœuvrer, la Boussole vire de bord mais ne peut éviter de s’échouer sur des récifs, par la poupe, avant que les vagues en furie ne balaient les restes du navire. L’Astrolabe subit des dommages à la coque, qui prend l’eau, et s’engage malheureusement dans une fausse passe du lagon trop étroite qui lui est fatale.L’île de Vanikoro, qui n’était pas référencée sur les cartes des marins français, marque la fin de la grande expédition commandée par le roi Louis XVI et conduite par Lapérouse, parti de Brest le 1er août 1785. Néanmoins, si l’expédition prend fin au printemps 1788, les circonstances précises des événements survenus à Vanikoro sont entourées d’un mystère que les missions et recherches successives sur l’île n’auront de cesse d’essayer de lever… en particulier sur le sort des survivants dont les vestiges du camp sur l’île n’ont jamais été retrouvés, malgré de nombreuses tentatives.
- Ép.17 - Vanikoro, les hypothèses liées aux survivants
-
💡 Et vous, qu’auriez-vous fait à la place des survivants du naufrage de Vanikoro ? Vous seriez parti de l’île sur un canot, dans l’objectif d’atteindre une autre contrée ou de croiser un navire, ou bien vous seriez resté à Vanikoro ?
💬 Il est certain que des marins français sont sortis vivants du naufrage de l’Astrolabe et de la Boussole à Vanikoro; des traces de leur camp furent par exemple retrouvée. Des hypothèses sont avancées pour expliquer ce que sont devenus ces rescapés, notamment grâce à la tradition orale et aux objets ayant appartenu aux membres de l'expédition et retrouvés sur des îles plus ou moins proches du lieu du naufrage. Bien sûr, les expéditions de recherches puis les fouilles successives ont tenté de percer le fameux mystère de l’expédition Lapérouse...
En 1788, Vanikoro, petite île du Pacifique, est le théâtre du naufrage des deux frégates de l’expédition Lapérouse…
On imagine sans peine que la situation fut effroyable pour les survivants. Il est vraisemblable que ce sont plutôt des marins de l’Astrolabe qui ont survécu, en raison d’un échouage dans une fausse-passe, alors que la Boussole a sombré dans une faille. Mais pour les marins parvenus vivants jusqu’au rivage, fallait-il encore s’organiser pour survivre, face à la nature mais également face aux habitants de l’île…
Et il s’agit bien là du début du mystère qui règne encore aujourd’hui sur le sort des survivants du double naufrage des frégates de l’expédition Lapérouse. En effet, que s’est-il passé ensuite ? Nous ne connaissons pas précisément la date exacte de ce naufrage qui eut lieu en mai ou juin 1788, ni le nombre de marins de l’Astrolabe et de la Boussole survivants. Néanmoins, les recherches successives semblent indiquer qu’une centaine de marins ont survécu au naufrage, très majoritairement issus de l’équipage de l’Astrolabe et, on suppose, moins d’une dizaine d’hommes originaires du bord de la Boussole. Nous ne savons pas non plus avec certitude combien de temps les marins sont restés sur l'île. Néanmoins, sur ce dernier point, une tradition orale locale indique que les Français seraient restés dix lunes à Vanikoro, avant de partir à bord d’une embarcation construite sur place. Les fouilles ont d’ailleurs permis d’identifier le lieu, près de la rivière Païou, où les naufragés ont défriché la forêt pour construire cette embarcation.
Selon la tradition orale recueillie par Lesson, chirurgien de marine et botaniste français, et Dumont d’Urville, deux marins rescapés seraient cependant restés sur l’île de Vanikoro et y auraient vécu environ trente-cinq ans. Nous ne savons pas réellement pourquoi ces deux hommes sont restés sur l’île. Fallait-il protéger des découvertes scientifiques ? N’étaient-ils pas en état de prendre la mer sur une embarcation de fortune ? Préféraient-ils attendre des secours ?
Nous verrons dans les épisodes suivants toute l’énergie déployée, dès 1791 puis jusqu’à notre époque, pour retrouver les survivants et ensuite pour tenter d’élucider le fameux mystère régnant autour de la fin de l’expédition Lapérouse…
Les pistes possibles concernant l’embarcation de secours partie de Vanikoro. Raymond Proner / Association Salomon
Saison 6
- Ép.1 : L’exploitation des résultats de l’expédition : Le premier retour par Jean-Nicolas Dufresne au départ de Macao
-
💡 Savez-vous qu’en lui confiant la mission de ramener en France son journal de bord, Lapérouse a, sans le savoir, sauvé la vie de Jean-Nicolas Dufresne ?
💬 Débarqué à Macao le 1er février 1787, le naturaliste Jean-Nicolas Dufresne a pour mission de rapporter en France plusieurs paquets dont le journal de navigation de Lapérouse de la première partie de l’expédition, ce qui lui permettra d’échapper à la fin tragique de Vanikoro. À son retour en France, il est l’un des rares acteurs et témoins privilégiés à pouvoir raconter de l’intérieur le périple autour du monde.
Si les débuts de l’expédition Lapérouse ne sont pas aussi mystérieux que la fin, nous le devons en grande partie à Jean-Nicolas Dufresne. Ce naturaliste, embarqué à Brest à l’âge de trente-huit ans à bord de l’Astrolabe, partage le quotidien de l’expédition à travers le monde avec les 220 autres membres de l’équipage. Durant 550 jours, soit un an et demi, il mènera expériences savantes et observations, tout en parcourant des milliers de miles nautiques à travers les océans Atlantique et Pacifique. Lors de l’escale à Macao, Lapérouse le charge de convoyer en France plusieurs paquets parmi lesquels notamment quelques illustrations des naturalistes, les plus belles peaux de loutre ramenées d’Alaska pour les offrir à Marie-Antoinette, ainsi que le journal de bord de Lapérouse de la première partie de l’expédition. Cette mission le sauve du destin tragique de l’expédition et lui permettra de vivre jusqu’à 65 ans, faisant de lui l’un des très rares témoins, dont il se sera le chroniqueur. De retour en France, il fut nommé secrétaire national des Mines de France. Pour l’anecdote, il laissera son nom à une espèce rare de perroquet qu’il a découverte lors de l’expédition, les « amazones de Dufresne », présente au nord du continent sud-américain.
-
Ep.2 - L’exploitation des résultats de l’expédition : le deuxième retour réalisé par Barthélemy de Lesseps au départ du Kamtchatk
-
💡 Savez-vous que Barthélemy de Lesseps a réalisé une incroyable odyssée de 13 mois et 16 000 kilomètres pour rapporter des résultats de l’expédition au roi Louis XVI ?
💬 Débarqué au Kamchatka le 30 septembre 1787, Barthélemy de Lesseps, vice-consul âgé de seulement 21 ans, a pour mission de rapporter en France la deuxième partie du journal de bord de Lapérouse, ainsi que des cartes et dessins du voyage. Il réalise ainsi une incroyable odyssée à travers toute la Russie d’Est en Ouest, ce qui lui permettra d’échapper à la fin tragique de Vanikoro. À son retour en France, il est également l’un des rares acteurs et témoins privilégiés à pouvoir raconter le périple autour du monde.
Barthélemy de Lesseps n’a que dix-neuf ans lorsqu’il embarque à Brest sur l’Astrolabe. Choisi par Lapérouse pour ses qualités de polyglotte et d’interprète, il ne parle pas moins de sept langues dont l’anglais, l’espagnol, l’allemand et surtout le russe. Il partage le quotidien de l’expédition à travers le monde durant près de 800 jours, soit deux ans et deux mois. Lors de l’escale au Kamtchatka dans la baie d’Avatcha, port de St-Pierre et St-Paul, Lapérouse le charge de rapporter en France la deuxième partie de son journal de bord, ainsi que des cartes et des dessins.
Messager idéal, puisque russophone, intrépide, il lui faudra près d’un an pour traverser tout l’empire de Russie d’Est en Ouest en traîneaux tirés par des chiens, puis des rennes, à pied, à cheval, en calèche, par des températures hivernales avoisinant parfois les - 40°C, le tout en prenant soin de ne pas abîmer tous les documents malgré la pluie, la neige et l’humidité. Il arrivera à Versailles le 17 octobre 1788.
Cette mission, digne des plus grands aventuriers, le sauve du naufrage. Il vivra jusqu’à 68 ans, faisant de lui l’un des très rares témoins. De retour en France, il raconte dans un livre son incroyable périple (à la demande de Louis XVI, l’imprimerie royale éditera en 1790, aux frais de l’État, le récit de son épopée) et poursuit ensuite une carrière de diplomate à Constantinople, Saint-Pétersbourg, puis Lisbonne, où il meurt en poste en 1834.
Source : https://voilesetvoiliers.ouest-france.fr/culture/histoire-de-la-marine/bons-baisers-de-russie-1c2563b0-f014-8040-8d89-ab720ac145c5
-
Ep.3 – Les services rendus par les Anglais à l’expédition Lapérouse
-
💡 Savez-vous que les Britanniques ont rendu un inestimable service à l’expédition française en acceptant d’acheminer en France la dernière partie du journal de Lapérouse ?
💬 Les six semaines passées à Botany Bay sont l’occasion pour les Français de se ravitailler, de reconstruire deux chaloupes, mais également d’écrire quelques courriers que les Anglais acceptent d’acheminer vers Londres, où ils seront récupérés par l’ambassadeur de France. C’est ainsi que la dernière partie du Journal de bord de Lapérouse fut transmise et sauvée. Ce sont les dernières nouvelles de l’expédition qui parviendront en France.
Débarquée à Botany Bay le 26 janvier 1788 suite au changement d’itinéraire demandé par Louis XVI à Lapérouse lors de son escale au Kamtchatka, l’expédition a pour objectif de ramener des informations sur l’installation de la colonie pénitentiaire de Nouvelle-Galles-du-Sud, qui deviendra l’Australie. Les Français y aperçoivent une flotte anglaise de onze bateaux sous le commandement d’Arthur Phillip. Anglais et Français s’entendent bien et Lapérouse décide de leur confier la mission de rapatrier la troisième partie de son journal, ainsi que ses courriers, de même que ceux des officiers et des savants.
Si les Français n’avaient pas croisé les vaisseaux anglais à Botany Bay, nous n'aurions rien su de la longue et dernière partie du voyage, ainsi que des évènements tragiques de Tutuila (cf. Saison 5, épisode 14) qui avaient coûté la vie au commandant de l’Astrolabe Fleuriot de Langle, au célèbre savant Lamanon et à dix autres membres de l’expédition (le père Receveur meurt à Botany Bay des blessures reçues à Tutuila, il y est enterré et sa tombe est encore visible). Un vaisseau anglais, l’Alexandre, quitte Botany Bay le 14 juillet 1788 et arrive à l’île de Wight le 28 mai 1789 où il fait parvenir les documents de l’expédition à l’ambassadeur de France à Londres, qui les fait suivre à Versailles. Les derniers courriers de Lapérouse donnent de précieuses informations sur l’itinéraire qu’il compte suivre et sur ce qu’ils firent durant leur séjour de six semaines à Botany Bay. Ils observèrent avec grand intérêt les Anglais déménager sur Port Jackson et commencer à bâtir leur établissement. L’expédition française construisit aussi deux chaloupes puis appareilla le 10 mars 1788. Les Anglais furent les derniers témoins européens de l’expédition.
-
Ep.4 - L’expédition d’Entrecasteaux à la recherche des survivants
-
💡 Saviez-vous qu’une mission de sauvetage a été dépêché pour porter secours à Lapérouse et ses hommes ?
💬 Dans une France en pleine Révolution, le retour de l’expédition Lapérouse prévue pour l’été 1789 se fait attendre. Les mois passent sans nouvelles et l’inquiétude grandit auprès de l’opinion publique et de la société savante. En 1791, une expédition mandatée par l’Assemblée constituante et validée par décret du roi Louis XVI charge Bruny d’Entrecasteaux de partir à la recherche de l’expédition Lapérouse tout en poursuivant un but scientifique et commercial.
En janvier 1791, la société d’histoire naturelle inquiète du sort de l’expédition rédige une pétition qui est évoquée à l’Assemblée constituante demandant au roi d’envoyer le plus tôt possible des vaisseaux pour retrouver Lapérouse. Avec l’assentiment de l’Assemblée, Louis XVI signe un décret le 25 février 1791 pour lancer une expédition de recherche de Lapérouse, avec un but scientifique et commercial, malgré le coût très conséquent : environ un million de livres consacrées à l’équipement de deux navires, La Recherche et L’Espérance.
Âgé de 54 ans, Bruny d’Entrecasteaux est nommé chef de cette escadre colossale de 219 hommes (matelots, ingénieurs, savants, dessinateurs…), conçue pour les préparatifs et l’organisation sur le modèle de celle de l’expédition Lapérouse. Cette expédition officielle voulue par la France quitte Brest le 28 septembre 1791 sans autre indication que l’itinéraire annoncé par Lapérouse dans ses derniers courriers. Elle met presque quatre mois pour atteindre le Cap de Bonne-Espérance le 16 janvier 1792, puis atteint la Tasmanie en avril et contourne l’Australie en remontant vers l’Est, et par la suite, d’Entrecasteaux multiplie les escales en Océanie à commencer par la Nouvelle Calédonie où il se rendra deux fois, mais aussi en Indonésie et en Nouvelle Zélande ou encore en Nouvelle Guinée.
Le contexte de la Révolution française est très présent à bord de l’expédition entre partisans et opposants et finit par former deux clans hostiles l’un à l’autre. S’il a réussi à faire avancer la science, avec la découverte de nombreuses espèces botaniques, d’Entrecasteaux échouera dans sa mission de retrouver Lapérouse par manque d’informations et le recueil de données mal traduites.
Les deux frégates sont pourtant passées à une quarantaine de milles de Vanikoro, alors inconnue et nommée « île de la Recherche » par d’Entrecasteaux et cartographiée par l’hydrographe Beautemps-Beaupré, sans s’en approcher, sans doute au grand désespoir de potentiels rescapés s’ils s’y trouvaient encore.
Eprouvés par les conditions pénibles liées au climat tropical humide, de nombreux membres de l’équipage meurent du scorbut et de dysenterie, dont d’Entrecasteaux le 20 juillet 1793, mettant fin à cette expédition de recherche hors norme. Moins de la moitié de ses membres y survivent et regagnent la France.
-
Ep.5 – La découverte du lieu du naufrage par l’irlandais Peter Dillon
-
💡 Saviez-vous que la découverte du lieu du naufrage ne reviendra pas aux Français, mais au navigateur irlandais Peter Dillon ?
💬 Trente-trois ans après les recherches infructueuses de d’Entrecasteaux, c’est finalement le navigateur irlandais Peter Dillon qui perce, au hasard de ses navigations commerciales, le mystère du lieu du naufrage de Lapérouse : Vanikoro. Il ramène suffisamment de reliques et de récits de l’île pour être accueilli en héros en France.
Ce fut un Irlandais né à la Martinique en 1788 (l’année du naufrage !), Peter Dillon, qui découvre par hasard en 1826 le lieu du naufrage. Il commande alors la Goélette Le Saint-Patrick et se rend de Valparaiso à Pondichéry pour y faire du commerce. Il fait escale à Tikopia, une île de l’archipel de Santa-Cruz, pour rendre visite à deux anciens membres de son équipage installés sur cette île depuis 1813, le prussien Martin Bushart et « Joe le lascar ».
Dillon y découvre une vieille garde d’épée en argent et constate que de nombreux autres objets en provenance de l’île voisine de Vanikoro (à deux jours de pirogue) sont en possession des insulaires de Tikopia. Joe qui s’était rendu sur l’île en 1820 a même vu deux hommes aux cheveux blancs appartenant à l’équipage des vaisseaux naufragés. Peter Dillon comprend qu’il s’agit probablement du lieu du naufrage de Lapérouse et décide de s’y rendre.
Après une première tentative infructueuse à cause du mauvais temps, il met en place depuis Calcutta une expédition grâce au soutien de la société savante l’Asiatic Society et à la mise à disposition par l’East India Company d’un navire, baptisé Le Research, et des moyens nécessaires. Il se rend à Vanikoro, y reste presque un mois, et en ramène de nombreux objets de l’expédition et plusieurs récits des plus anciens permettant de reconstituer les évènements de 1788.
De retour en France, il reçoit du roi Charles X une récompense décrétée par son frère Louis XVI à quiconque donnerait des nouvelles de l’expédition (prime de 10 000 francs et une pension de 4 000 francs), ainsi que la croix de Chevalier de la Légion d’honneur.
Carte de l’île Mannicolo (Vanikoro), levée par Peter Dillon en 1827.
Source : Voyage aux îles de la mer du Sud, 1827 et 1828, vol. 2, Paris, Pillet, 1830.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65456694/f96.item.texteImage.zoom
En 1 clic
Tous vos accès pratiques !
Contact.
Janvier-Février-Novembre-Décembre :
10h-12h et 14h-17h
Fermé le lundi
Mars-Avril-Mai-Juin-Octobre :
9h-12h et 14h-18h
Fermé le lundi
Juillet-Août :
9h-12h30 et 14h-18h30
Septembre :
9h-12h30 et 14h-18h30
Fermé le lundi
Fermé les 1er janvier, 1er mai, 1er novembre, 25 décembre